La question de la sortie de l'euro
n'est désormais plus taboue, et la Grèce pourrait en faire les frais.
Inflation, dépréciation et mise à plat du système bancaire... Une sortie
aurait des conséquences plus désastreuses que l'austérité, pour la
Grèce, mais aussi et surtout pour l'Europe et la BCE. La crédibilité de
la zone euro serait en outre durablement affectée.
Encore tabou il y a quelques mois, la question
de la sortie de la Grèce de la zone euro est au devant de la scène
depuis quelques semaines. Elle a même pris une tournure encore plus
aiguë depuis que l’impasse politique des élections du 6 mai a nécessité
la tenue de nouvelles élections en juin.
En effet, on
peut s’attendre à ce que la campagne électorale grecque soit dominée par
le débat sur l’adhésion ou non à la zone euro, plutôt que par tout
autre sujet, en ce compris la question de l’austérité qui est une
condition à cette adhésion. C’est d’ailleurs tout le paradoxe
de la situation actuelle : des récents sondages continuent à montrer que
plus de trois quarts de la population grecque sont pour un maintien
dans la zone euro, mais les partis qui s’engagent à l’assurer en
poursuivant l’austérité sont sans cesse en perte de vitesse.
Les Grecs veulent demeurer dans la zone euro, mais sans austérité. Dans
ces conditions, le fait que la Grèce reste ou non dans la zone euro sera
très probablement une décision politique et non économique. Il faudra
en effet un geste fort de la part des autorités européennes pour lever
le paradoxe grec. Au cas où le scénario de sortie devait néanmoins se
concrétiser, interrogeons-nous sur les conséquences économiques d’une
sortie de la zone euro de la Grèce, tant pour le pays lui-même que pour
la zone euro amputée d’un de ses membres.
Un tsunami économique en Grèce...
Il
n’y a pas de scénario pré-établi pour une sortie d’un pays de la zone
euro. Et pour cause, le cas n’a jamais été prévu dans les textes.
Certains avancent même que la seule porte de sortie juridiquement
valable serait une sortie de l’Union européenne. Mais soit, essayons ici
de comprendre quelques implications majeures.
Tout d’abord, en cas de sortie, le problème de la dette s’efface. En effet, la
Grèce déciderait plus que probablement soit de faire un défaut complet
sur sa dette, soit de la rembourser en drachmes et non plus en euro.
Mais la Grèce ayant alors récupéré le levier monétaire, il lui
suffirait de faire tourner la planche à billet pour faire face à ses
nouveaux engagements en drachmes.
Ce cas de figue
peut paraître intéressant pour la reprise économique du pays, mais n’est
pas sans conséquence. En effet, la nouvelle monnaie grecque serait
confrontée à une défiance majeure de la part des investisseurs
extérieurs, mais probablement aussi en interne. On voit d’ailleurs déjà
que les sorties de capitaux se multiplient, les Grecs cherchant à
sauvegarder leurs avoirs en euro. Dès lors, la nouvelle monnaie grecque
se déprécierait fortement sur les marchés des changes.
La dépréciation de la drachme pourrait aller jusqu’à 80% de sa valeur de référence dans l’euro. Une dépréciation serait renforcée par l’utilisation de la planche à billet pour financer les dépenses publiques.
Il s’en suivrait une inflation galopante et la spirale classique de
dépréciation – inflation propre à beaucoup d’économies en voie de
développement. N’oublions pas que dans le cas d’une sortie de
la zone euro, la Grèce ne recevrait plus d’aide européenne pour financer
ses dépenses les plus fondamentales (pensions, soins de santés,
fonctionnaires, etc.).
Par ailleurs, le
financement de l’économie serait durement affecté. Les entreprises
grecques active en Grèce recevrait en effet leurs recettes en drachmes,
et ne pourraient rembourser leurs crédits qu’en cette devise, compte
tenu de sa forte dépréciation. Les entreprises étant
actuellement endettées en euro feraient donc un défaut sur leur dette,
ce qui n’est pas sans conséquence pour les entreprises qui se financent
sur les marchés financiers internationaux. Pour celles qui sont
endettées vis-à-vis d’une banque grecque, le problème serait reporté
sur cette dernière. Sachant que les banques se financent aujourd’hui en
euro, il ne leur serait pas possible de faire face à leurs engagements,
d’autant plus qu’à ce jour elles ne survivent que grâce aux aides
internationales et aux financements de la BCE.
Inflation, dépréciation et mise à plat du système bancaire sont a priori les premières conséquences pour l’économie grecque,
du moins à court terme. Ensuite, on peut espérer, une fois la situation
quelque peu stabilisée, une meilleure compétitivité, notamment de son
secteur touristique. Mais il ne faut pas se leurrer, la
transition avant de pouvoir profiter de cet avantage sera probablement
pire encore que l’austérité demandée aujourd’hui. Et on peut se
demander si dans l’intervalle, les touristes retourneront en Grèce,
alors que le pays se trouverait dans un chaos total ?
…et un séisme en zone euro
Pour
la zone euro, un tel scénario n’est pas non plus sans conséquence. On
distinguera ici les effets directs et les effets indirects.
S’agissant
des effets directs, ils se feront d’abord sentir sur les États et la
BCE, qui sont aujourd’hui les plus grands bailleurs de fond de la Grèce.
On peut chiffrer la perte à quelques 200 milliards d’euros. Par
ailleurs, les institutions bancaires ayant des intérêts en Grèce (prêts
aux entreprises, filiales, etc.) subiront également de lourdes pertes.
S’agissant des effets indirects, ils proviendront d’abord du fait qu’il
y aura eu un « exemple » d’une sortie d’un pays de la zone euro.
L’impossible sera donc devenu possible, avec toutes les conjectures que
cela suppose. Si la Grèce l’a fait, pourquoi pas le Portugal, puis l’Irlande, puis l’Espagne, et ainsi de suite. La crédibilité de la zone euro en serait très probablement affectée, et cela n’est que difficilement quantifiable.
On
conclura en disant que sur le plan économique, la crise grecque se
résume aujourd’hui à mesurer quel scénario entraîne les pertes les moins
importantes (mais des pertes, il y en aura assurément). Probablement
qu’à ce jour, la balance penche encore du côté du maintien de la Grèce
dans la zone euro.
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