TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

mardi 22 mai 2012

La question de la sortie de l'euro n'est désormais plus taboue, et la Grèce pourrait en faire les frais. Inflation, dépréciation et mise à plat du système bancaire... Une sortie aurait des conséquences plus désastreuses que l'austérité, pour la Grèce, mais aussi et surtout pour l'Europe et la BCE. La crédibilité de la zone euro serait en outre durablement affectée.
Encore tabou il y a quelques mois, la question de la sortie de la Grèce de la zone euro est au devant de la scène depuis quelques semaines. Elle a même pris une tournure encore plus aiguë depuis que l’impasse politique des élections du 6 mai a nécessité la tenue de nouvelles élections en juin.

En effet, on peut s’attendre à ce que la campagne électorale grecque soit dominée par le débat sur l’adhésion ou non à la zone euro, plutôt que par tout autre sujet, en ce compris la question de l’austérité qui est une condition à cette adhésion. C’est d’ailleurs tout le paradoxe de la situation actuelle : des récents sondages continuent à montrer que plus de trois quarts de la population grecque sont pour un maintien dans la zone euro, mais les partis qui s’engagent à l’assurer en poursuivant l’austérité sont sans cesse en perte de vitesse.

Les Grecs veulent demeurer dans la zone euro, mais sans austérité. Dans ces conditions, le fait que la Grèce reste ou non dans la zone euro sera très probablement une décision politique et non économique. Il faudra en effet un geste fort de la part des autorités européennes pour lever le paradoxe grec. Au cas où le scénario de sortie devait néanmoins se concrétiser, interrogeons-nous sur les conséquences économiques d’une sortie de la zone euro de la Grèce, tant pour le pays lui-même que pour la zone euro amputée d’un de ses membres.

Un tsunami économique en Grèce...

Il n’y a pas de scénario pré-établi pour une sortie d’un pays de la zone euro. Et pour cause, le cas n’a jamais été prévu dans les textes. Certains avancent même que la seule porte de sortie juridiquement valable serait une sortie de l’Union européenne. Mais soit, essayons ici de comprendre quelques implications majeures.

Tout d’abord, en cas de sortie, le problème de la dette s’efface. En effet, la Grèce déciderait plus que probablement soit de faire un défaut complet sur sa dette, soit de la rembourser en drachmes et non plus en euro. Mais la Grèce ayant alors récupéré le levier monétaire, il lui suffirait de faire tourner la planche à billet pour faire face à ses nouveaux engagements en drachmes.
Ce cas de figue peut paraître intéressant pour la reprise économique du pays, mais n’est pas sans conséquence. En effet, la nouvelle monnaie grecque serait confrontée à une défiance majeure de la part des investisseurs extérieurs, mais probablement aussi en interne. On voit d’ailleurs déjà que les sorties de capitaux se multiplient, les Grecs cherchant à sauvegarder leurs avoirs en euro. Dès lors, la nouvelle monnaie grecque se déprécierait fortement sur les marchés des changes.
La dépréciation de la drachme pourrait aller jusqu’à 80% de sa valeur de référence dans l’euro. Une dépréciation serait renforcée par l’utilisation de la planche à billet pour financer les dépenses publiques. Il s’en suivrait une inflation galopante et la spirale classique de dépréciation – inflation propre à beaucoup d’économies en voie de développement. N’oublions pas que dans le cas d’une sortie de la zone euro, la Grèce ne recevrait plus d’aide européenne pour financer ses dépenses les plus fondamentales (pensions, soins de santés, fonctionnaires, etc.).
Par ailleurs, le financement de l’économie serait durement affecté. Les entreprises grecques active en Grèce recevrait en effet leurs recettes en drachmes, et ne pourraient rembourser leurs crédits qu’en cette devise, compte tenu de sa forte dépréciation. Les entreprises étant actuellement endettées en euro feraient donc un défaut sur leur dette, ce qui n’est pas sans conséquence pour les entreprises qui se financent sur les marchés financiers internationaux. Pour celles qui sont endettées vis-à-vis d’une banque grecque, le problème serait reporté sur cette dernière. Sachant que les banques se financent aujourd’hui en euro, il ne leur serait pas possible de faire face à leurs engagements, d’autant plus qu’à ce jour elles ne survivent que grâce aux aides internationales et aux financements de la BCE.
Inflation, dépréciation et mise à plat du système bancaire sont a priori les premières conséquences pour l’économie grecque, du moins à court terme. Ensuite, on peut espérer, une fois la situation quelque peu stabilisée, une meilleure compétitivité, notamment de son secteur touristique. Mais il ne faut pas se leurrer, la transition avant de pouvoir profiter de cet avantage sera probablement pire encore que l’austérité demandée aujourd’hui. Et on peut se demander si dans l’intervalle, les touristes retourneront en Grèce, alors que le pays se trouverait dans un chaos total ?

…et un séisme en zone euro

Pour la zone euro, un tel scénario n’est pas non plus sans conséquence. On distinguera ici les effets directs et les effets indirects.

S’agissant des effets directs, ils se feront d’abord sentir sur les États et la BCE, qui sont aujourd’hui les plus grands bailleurs de fond de la Grèce. On peut chiffrer la perte à quelques 200 milliards d’euros. Par ailleurs, les institutions bancaires ayant des intérêts en Grèce (prêts aux entreprises, filiales, etc.) subiront également de lourdes pertes.

S’agissant des effets indirects, ils proviendront d’abord du fait qu’il y aura eu un « exemple » d’une sortie d’un pays de la zone euro. L’impossible sera donc devenu possible, avec toutes les conjectures que cela suppose. Si la Grèce l’a fait, pourquoi pas le Portugal, puis l’Irlande, puis l’Espagne, et ainsi de suite. La crédibilité de la zone euro en serait très probablement affectée, et cela n’est que difficilement quantifiable.
On conclura en disant que sur le plan économique, la crise grecque se résume aujourd’hui à mesurer quel scénario entraîne les pertes les moins importantes (mais des pertes, il y en aura assurément). Probablement qu’à ce jour, la balance penche encore du côté du maintien de la Grèce dans la zone euro.

0 commentaires: