lundi 28 mai 2012
Comment les banques et les entreprises se préparent à la sortie de l'euro
Même si tout se fait dans la plus
grande discrétion, l’Autorité de contrôle prudentiel qui contrôle les
établissements de crédit et assureurs français a demandé aux banques
d'anticiper leur exposition à un défaut grec. Et les entreprises
essaient elles aussi d'élaborer des plans d'urgence.
La panique fait rage sur les marchés
financiers, les intervenants se demandent tout haut si la Grèce pourra
rester dans l’Euro malgré ses problèmes actuels, ou si ses partenaires
préféreront l’abandonner et la laisser retrouver la drachme. Crédible ou
pas, ce scénario se doit d’être exploré par les analystes de risques
des multinationales et en particulier par les banques : leur mission,
penser à tout et être prêt à toute éventualité, en particulier pour les
plus exposés.
En France, les banques
auraient toutes mis sur pied des plans de crise sur la Grèce, afin de
répondre à la demande de l’Autorité de contrôle prudentiel qui contrôle
les établissements de crédit et assureurs français. En effet,
l’enjeu est important : les pronostics de pertes, très variables selon
les sources, se chiffrent en dizaines ou centaines milliards d’euros,
les estimations variant selon le degré de défaut de la Grèce – partiel
ou total – estimé par les intervenants. Pour les seules banques
françaises, l’exposition serait de l’ordre de 50 milliards d’Euro.
Les
scénarios les plus pessimistes parient également sur une contagion aux
autres pays méditerranéens, dont les conséquences sont quasiment
impossibles à quantifier. Dans cet environnement, il est primordial pour
les banques d’annoncer publiquement qu’elles ont pris toutes les
mesures nécessaires, pour rassurer le public et éviter d’être ainsi
contaminées par la crise.
Néanmoins,
les vrais préparatifs se font dans un certain secret, tout d’abord
dicté par les incertitudes : si la Grèce – et peut être d’autres pays
après elle – sortait de l’Euro, sous quelle forme cette sortie
aurait-elle lieu ?
Ici, les hypothèses n’ont pas
de limite : création d’une « zone mark » autour de l’Allemagne, partage
entre euro du Nord et euro du Sud, désintégration orchestrée ou
désordonnée de la zone euro, défection d’un ou de quelques pays.
Ensuite,
la discrétion est un atout dans certaines situations. Par exemple, s’il
s’agit, par précaution, de se défaire d’une masse importante de titres
grecs, espagnols ou italiens, il convient de le faire sans alerter le marché, pour limiter les pertes. Notons
au passage que, quelles que soient les précautions prises, ce
comportement, qui est généralisé, aura pour effet de changer en
prophétie autoréalisatrice les doutes exprimés quant à la solvabilité
des pays concernés.
Ensuite
se posent les questions informatiques et juridiques : comment faire
face à l’ajout d’une nouvelle monnaie – l’occasion pour les consultants
en informatique de vendre une mise à jour à quelques millions d’euros –
et quels seraient les impacts juridiques d’un retour à une monnaie
nationale ?
La question est cruciale, s’agissant de contrats de prêts ou d’émission de titres, en particulier pour les obligations : sera-t-on remboursé en euros ou dans une monnaie locale dévaluée ? Et dans ce cas, sera-t-il possible d’obtenir des dédommagements du débiteur obligataire ?
Face aux incertitudes, les entreprises cotées en
bourse doivent avant tout rassurer, faire passer le message aux
investisseurs qu’elles prennent les bonnes mesures. On y retrouve une
certaine prudence : réduction des coûts et placements sans risques, à
l’image de Siemens qui a créé sa propre banque, afin de pouvoir déposer
des fonds auprès de la Banque Centrale Européenne.
Les
trésoriers des multinationales doivent aussi revoir la gestion des flux
de fonds, afin de les faire sortir le plus rapidement possible des
filiales situées dans des pays à risque, en n’y laissant que les
capitaux strictement nécessaires à l’activité. Une pratique qui n’a rien
d’exceptionnel pour des compagnies habituées à travailler dans le monde
entier, y compris dans des régions instables politiquement ou
économiquement. Il s’agit là simplement d’ajouter un pays à la liste.
Plus
que la sortie d’un pays de l’Euro, les entreprises, déjà habituées à
traiter dans diverses devises, portent leurs craintes sur les
fluctuations des marchés. Il est certes possible pour elles, au moyen de
produits dérivés, de se couvrir d’une évolution défavorable à court
terme, mais l’offre actuelle se limite tout naturellement aux devises
actuelles. Il est ainsi possible de couvrir une baisse de l’euro, mais
pas encore de se prémunir de celle de l’une ou l’autre des prochaines
monnaies nationale…
Pour le plus long
terme, il s’agit de revoir les accords avec les contreparties situées
dans un pays risquant de sortir de l’euro, à l’image du
voyagiste allemand TUI, qui aurait prévu contractuellement avec les
hôteliers grecs le mode de règlement des factures en cas de
réintroduction d’une monnaie nationale.
En effet,
le risque est important de perdre une part conséquente des commissions,
si une nouvelle drachme devait voir le jour et perdre 50% de sa valeur,
comme certains économistes le prédisent. Mais cette baisse devrait être
contrebalancée à moyen terme par la hausse de l’activité hôtelière
qu’elle induirait, les Grecs devenant plus concurrentiels.
Ces inquiétudes ne touchent pas que la zone euro elle-même. Ainsi,
les banques britanniques ont été enjointes en novembre 2011 à se
préparer aux deux scénarios que sont la sortie d’un pays de l’Euro et
l’éclatement de la zone. La question était également à l’ordre
du jour du dernier G8, dont les dirigeants ont dit vouloir une zone euro
« forte et unie », avec la Grèce.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire