Les socialistes n’ont jamais eu l’esprit tourné
vers la ruralité, supposée rétrograde. Alors même qu’ils ont toujours
trouvé dans certains départements ruraux (Ariège, Lot, Landes, Limousin)
leurs terreaux électoraux les plus favorables.
À
tout le moins, la gauche n’a-t-elle pas contesté une des plus grandes
réussites des années 1960-70 : la politique d’aménagement du territoire
et de développement rural assortie d’une politique agricole
interventionniste appuyée sur l’Europe. La
DATAR
(Délégation interministérielle à l'Aménagement du Territoire et à
l'Attractivité Régionale), créée en 1962, avait connu ses grandes heures
à ce moment-là. La majorité de son personnel y était même de gauche.
Cette politique répondait à une double nécessité :
- Redresser
les déséquilibres historiques du territoire français : entre la région
parisienne et le reste du territoire, entre les régions de tradition
industrielle (au nord-est de la ligne Le Havre-Marseille) et celles qui
en étaient dépourvues (au sud-ouest de cette même ligne) ;
- Accompagner le recul inévitable des effectifs agricoles, tout en maintenant un tissu d’exploitations compétitives.
Les
résultats furent largement positifs : les métropoles régionales se sont
développées de manière remarquable depuis quarante ans, des
régions comme l’Ouest grâce à l’agro-alimentaire ou le Sud-ouest grâce à
l’aéronautique se sont dotées d’un tissu industriel.
Malgré
ces efforts, un tiers du territoire environ (zones rurales dites
profondes) : plateaux de l’Est (Meuse, Haute-Marne), Massif central, la
"diagonale aride" des géographes, s’est trouvé vidé de sa population.
Seule la politique rurale dynamique des années 1970, marquée par la
création du commissariat au Massif central et, parmi d’autres
dispositifs, l’instauration de l’aide spéciale rurale à la création
d’emplois, put, un temps, mais un temps seulement, enrayer ce déclin.
Or, il faut bien le dire, les
acquis de cette politique d’aménagement du territoire se sont trouvés
remis en cause dès l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981. L’aide spéciale rurale fut immédiatement supprimée.
On considéra que la décentralisation tiendrait désormais lieu de
politique d’aménagement du territoire. Au lieu d’une grande politique
nationale de rééquilibrage, on décida que chaque région gérerait à sa
manière ses déséquilibres, ce qui, face à un enjeu national comme la
désertification rurale, faisait perdre à cette politique une grande
partie de son impact. Encore a-t-elle pu continuer quelque temps à vivre
sur ses acquis.
Une autre raison, moins
illégitime, explique la remise en cause de la politique d’aménagement du
territoire : l’ampleur des restructurations industrielles, en
particulier de la sidérurgie et du textile. Avant d’installer des
industries là où il n’y en avait pas, on considéra qu’il était plus
urgent de la défendre les territoires où il y en avait, ce qu’on ne fit
d’ailleurs que très partiellement.
Au tournant des années 1970, une nouvelle antienne
vit le jour dans les milieux de gauche : le soutien au monde rural, cela
sentait le pétainisme ! Tiens, on ne s’en était pas avisé pendant 45
ans ! Tout cela parce qu’un écrivain issu de la gauche, porte-plume du
maréchal,
Emmanuel Berl, lui avait fait dire que : « La terre, elle, ne ment pas ! »
Un
tel argument portait d’autant plus que durant la même période, la
mémoire des horreurs de l’occupation revenait, de manière insistante, à
la surface au travers de l’
affaire René Bousquet, longtemps étouffée par son ami François Mitterrand, et surtout du procès Maurice Papon.
Il
fut également acquis aussi que "à l’heure de l’Europe", seuls
importaient désormais les grandes unités : grandes métropoles d’échelle
européenne reliées par de grands axes autoroutiers et des TGV, aux
dépens des petites unités : moyennes et petites villes, villages dont le
maillage fin constitue pourtant depuis toujours un des atouts de la
civilisation française.
Cet état d’esprit aboutit à
l’effacement de beaucoup de départements ruraux, comme le Lot, de la
carte d’éligibilité à la prime d’aménagement du territoire, lors de la
réforme de 1998.
Une des conséquences de l’abandon
de la politique d’aménagement du territoire fut la crise du logement
dans les métropoles, et en particulier dans la région parisienne. On ne
favorise pas sans précaution la concentration, d’autant que le laxisme
en matière d’immigration, laquelle commence généralement par
l’installation dans une grande ville, accroissait encore les besoins de
logement.
A la même époque, les logements inoccupés se sont multipliés dans les petites villes.
La
loi SRU (Solidarité et renouvellement urbain) du 13 décembre 2000, chef
d’œuvre de complication technocratique, limitait aussi la construction
de manière draconienne dans les villages. D’ailleurs, son intitulé
lui-même constitue une négation de la spécificité du monde rural.
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