mardi 24 avril 2012
Eva Joly se rend-elle compte qu'elle est l'idiote utile du succès de Marine Le Pen ?
Eva Joly a déclaré au soir du premier
tour : "Les apprentis sorciers de l’identité nationale, à force de
discours de haine ont permis à Marine le Pen de faire son meilleur score
à l’élection présidentielle". Mais les électeurs du Front sont-ils ceux
de la haine ou simplement des Français en quête de leur identité ?
André Bercoff : Il faudrait
commencer par balayer devant sa porte… et se poser de sérieuses
questions concernant les autruches nationales, les apprentis sorciers de
l’aveuglement et de la surdité. Ceux-là qui prétendent qu’il n’y a pas
de problème d’identité, pas de problème de culture, de communautarisme,
de civilisation. "Circulez, il n’y a rien à voir !", disent-ils.
Si j'étais Marine Le Pen, j’enverrais des fleurs tous les jours à Eva Joly et à ceux qui tiennent des discours similaires. Car
c’est justement grâce à cette surdité et cette bonne conscience
aveugle, grâce à ceux que Lénine appelait les « idiots utiles », que
Marine Le Pen progresse autant.
Eva Joly
recherche sujet désespérément. Elle ne sait plus où aller. Elle parlait
de jours fériés pour juifs et musulmans en début de campagne puis là, on
revient aux fondamentaux : attiser les haines. La question que
devraient se poser ces autruches c’est pourquoi Marine Le Pen fait 18%
pendant qu’eux en font 2% ?
Le vrai
problème c’est l’indignation à géométrie variable. Je veux bien que l’on
s’indigne, et qu’on soit anti-raciste ; je le suis d’ailleurs. Mais
alors, que l’on soit anti-raciste sur tous les plans ! Il faut
que la Ligue des droits de l’homme ne soit pas la "Ligue de certains
hommes". On doit s’indigner sur le sort des clandestins et de certains
immigrés, mais on devrait aussi pouvoir s’indigner sur la condition de
la bonne femme qui s’est fait arracher son sac, et qui n’ose plus
rentrer chez elle. Aujourd'hui, dire cela c'est passé pour un facho !
C'est ça qui est stupide.
Ivan Rioufol :
La phrase d'Eva Joly est la meilleure démonstration de l’aveuglement
collectif qu'on connait depuis longtemps à travers les positions
convenues. Je trouve ces propos imbéciles, mais c’est usuel dans le
discours commun. Cela revient à dire qu’on refuse de se
confronter aux faits et que ce que décrit Marine le Pen est un fantasme.
On est dans le déni, c’est une très vielle posture. Cela fait 30 ans qu’on est dans cette position-là...
Nous
sommes confrontés à deux crises : une crise économique d’une part, et
une crise de la cohésion nationale à laquelle on ne veut pas réfléchir
d’autre part. De mon point de vue elle est beaucoup plus importante que
la crise économique qui se règlera techniquement. La crise de la
cohésion nationale est posée par deux sujets tabous que sont
l’immigration et l’islam radical.
Tant que ce ton
politiquement correct s’imposera dans les médias, il y aura toujours Eva
Joly qui récitera sa leçon. La faute à la pensée dominante qui interdit
de se confronter aux réalités. A partir du moment où
l’on ne s’adresse pas à cette France, de la classe moyenne, que le
sarkozysme ne découvre que trop tard, celle-ci se réfugie
malheureusement vers des classes politiques qui auront au moins
l’intelligence de l'écouter. Il y a un grand gâchis à laisser au
FN le soin d’être le porte-parole de cette France-là. Alors que ce que
dit cette dernière est tout à fait admissible. Ça n’a rien de
déshonorant d'affirmer sa volonté de maitriser son destin et préserver
son mode de vie et son identité. Le Président sortant s’est enfin résolu à comprendre ce que voulait dire ce peuple-là en disant que « le souci de nos compatriotes était de préserver leur mode de vie qui est la question centrale de cette élection ». Effectivement, et ce n’est pas être fasciste ou extrémiste que de dire cela.
On
aurait pu croire le candidat du Front de Gauche ait pu capter cet
électorat. Seulement, le problème de Jean-Luc Mélenchon est qu’il n’a
voulu voir qu’une partie de la crise. Il s’est largement penché sur la
crise sociale et économique qui suscite des souffrances mais a omis
cette crise identitaire, cette crise du vivre ensemble. Ces petits
blancs qui vivent dans des relégations et qui parfois sont obligés de
céder la place à un nouveau peuple. Jean-Luc Mélenchon a fait le
discours inverse en disant qu’il fallait accentuer cette
communautarisation.
Il a séduit l’électorat des cités mais pas l’électorat populaire traditionnel. Il
est intéressant de voir que tous les candidats qui comme François
Bayrou n’ont pas voulu aborder ce problème identitaire, ou comme
Jean-Luc Mélenchon et Eva Joly ont voulu flatter ce communautarisme
musulman, ont été sanctionnés dans les urnes. Cette élection
démontre à ceux qui ne voulaient pas l’entendre, notamment les
commentateurs et les sondeurs, que l’immigration et l’islam radical
intéressent les Français. Ces deux thèmes portent Marine le Pen et
signent l’échec de ceux qui niaient ces réalités-là. Comme je le dis
souvent, les réalités sont plus fortes que les idéologies.
André Bercoff
: Je ne sais pas s’il faut parler de fracture géographique ou d’une
fracture culturelle ou identitaire. Je m'interroge. Effectivement,
François Hollande est majoritaire à Paris et Marseille et en zones
périurbaines. Mais je pense que la fracture est surtout culturelle et
identitaire, non pas entre immigrés et Français, ou entre "ethnies"
différentes, mais il s’agit d’un choc des visions concernant ce qui est
choquant ou pas. Selon moi, s’il n’y a plus de porc dans certaines
cantines françaises, il y a quelque chose de gênant voire choquant. Je
veux bien que les gens qui mangent halal et casher aient totalement ce
droit mais je croyais que la République française était d’abord laïque
et je ne comprends pas qu’on se soit battu pendant deux siècles contre les curés pour se coucher devant les imams et les rabbins.
J'ai préfacé le livre L’apéro saucisson-pinard
à l'invitation des mouvements Riposte Laïque et du bloc identitaire.
Même si je ne me sens pas proche de leurs idées, ils représentent des
secteurs d’opinion, et en tant que journaliste et écrivain, il
m’intéressait de les entendre. Cela m'a été reproché avec virulence sur
le plateau de Laurent Ruquier : Audrey Pulvar m'a demandé "Comment
pouvez-vous mettre votre notoriété au service de ces groupes ?" Mais
qu’ont-ils fait ? Ont-ils tué ou assassiné ? Ce ne sont pas des nazis.
Il y a tant d'amalgames qui sont faits par cette police de la pensée !
Audrey Pulvar, ce soir là, a quitté son rôle de journaliste pour devenir
une commissaire politique. C'est sans doute
anecdotique mais typique d’une certaine manière de voir la réalité, je
dirais même qu’il s’agit d’un déni de réalité.
Tous les gens qui votent Marine le Pen ne sont pas
Lepénistes au sens traditionnel du terme. Au second tour, deux choses se
jouent : il y a ce problème de l’identité, de l’art de vivre à la
française que le monde politico-médiatique a tendance à négliger. Je ne
crois pas être réactionnaire en disant qu’on doit considérer cette
dimension civilisationelle. Et de l’autre côté l’économie : la dette,
l’Europe, les marchés… Tant qu’on est endetté, on est à la merci des
marchés. Quel que soit le nouveau Président, "les terrifiants pépins de
la réalité" sont là, comme disait Prévert. Qui va tenir le cap sur ces
deux problèmes là ? Cela va être extrêmement difficile pour Nicolas
Sarkozy, mais rien n’est joué.
Ivan Rioufol
: Michel Maffesoli a cette phrase qui me plaît beaucoup et qui illustre
parfaitement la fracture dont souffre la France « la parole publique
n’est pas la parole publiée ». En effet, l’opinion, la parole publique,
la parole de la société civile n’est pas la parole des médias, ni celles
des hommes politiques. Et s’il y a une crise de conscience dans le
monde politique, il y en a aussi une dans la vie médiatique. Les médias
ne sont plus, depuis très longtemps, l’écho – si ce n’est très partiel -
de ce que pense la France silencieuse, la France des invisibles. Et
nous vivons naturellement avec cette grande coupure là : ce sont les
médias qui ont des problèmes de perceptions.
Tout
le monde médiatique nous annonçait une percée de Jean-Luc Mélenchon. On
l’annonçait hier encore dans les premiers sondages à 17 ou 18 %. Il y a
des instrumentalisations médiatiques qui ne correspondent pas à la
réalité du terrain.
Je pense
qu’aujourd’hui on découvre petit à petit que l’opinion publique et les
réalités françaises ne sont pas conformes à ce qui en est donné par le
discours convenu, notamment par cette caricature faite par Eva Joly -
qui lui a valu de récolter 2 %. C’est le côté réjouissant de cette élection !
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