lundi 16 avril 2012
En France, les syndicats font de la politique pendant que les élus décident des lois sociales
Lundi, Nicolas Sarkozy dénonçait
l'activisme politique des syndicalistes de la CGT et de la CFDT. Les
relations entre syndicats et politiques découlent en France d'une longue
tradition historique. Cette différence d'avec leurs homologues
européens vient aussi du fait que chez nous, les politiciens ont la main
sur les lois sociales.
Les échanges acrimonieux entre Nicolas Sarkozy
d’une part, la CGT et la CFDT de l’autre, font resurgir une question
aussi ancienne que le syndicalisme : quel rapport entre les
organisations syndicales et la politique ?
En
France, le salariat organisé a toujours été sensible à cette question.
Il est un trait de caractère historique de notre pays qui contribue à
l’expliquer : depuis la Révolution, le pouvoir politique s’est presque
toujours montré méfiant à l’égard des corps intermédiaires. Au fond,
l’Etat accepte mal l’existence de contre-pouvoirs entre lui-même et le
citoyen. De plus, la tradition jacobine et centralisatrice française a
contribué à conférer à l’Etat une fonction interventionniste majeure
dans les questions sociales. D’ailleurs, aujourd’hui encore, l’Etat
est le principal producteur des lois sociales, alors que dans des pays
voisins comme l’Allemagne, le droit social traduit plus volontiers les
accords conclus de manière autonome entre les partenaires sociaux.
Face à cette configuration nationale particulière, les organisations du
monde du travail ne peuvent donc rester indifférentes aux choix
électoraux les plus cruciaux.
Par ailleurs, le
syndicalisme français ne conçoit pas son implication dans le champ
politique de la même manière que celui des grands pays voisins. Là
encore, les racines historiques sont profondes. Trois modèles se
cristallisent en Europe occidentale en 1906 : en Allemagne, le Congrès
des syndicats entérine un partage des tâches : les revendications
quotidiennes au syndicat et la politique au Parti social-démocrate ; au
Royaume-Uni, les Trade Unions britanniques créent le Parti travailliste,
pour relayer au Parlement les intérêts immédiats des travailleurs ; en
France, enfin, la fameuse « Charte d’Amiens » proclame l’autonomie
ouvrière, qui consiste en fait à considérer que le syndicat
suffit à tout : il soutient la revendication prosaïque tout en préparant
la grève générale qui doit mener à une transformation radicale de la
société. Bref, le rapport du mouvement syndical au champ
politique est plus intense ici qu’ailleurs, dans la mesure même où
l’organisation ouvrière se considère comme dépositaire des grands
changements de l’avenir.
Au fil du temps, si les
syndicats semblent avoir renoncé à renverser par eux-mêmes le système
capitaliste, ils se sont rapprochés de certaines organisations
partisanes. Longtemps, la CGT a été identifiée comme la courroie de
transmission du PCF et son leader s’affiche aujourd’hui au côté de
Jean-Luc Mélenchon. La CFDT, à l’origine autogestionnaire, s’est
rapprochée du PS. La CGT-FO est plus partagée, entre des militants
sympathisants ou membres, pour certains, du PS, pour d’autres de
l’extrême gauche trotskyste, pour d’autres encore de la droite
républicaine. La CFTC et, davantage encore, la CFE-CGC, sont plus
marquées au centre droit, voire à droite. Les organisations plus
récentes comme l’UNSA ou SUD sont perçues, pour la première, comme
proche du PS, pour l’autre, du NPA et de la gauche de la gauche. Le
syndicalisme patronal penche pour sa part nettement à droite.
L’actuelle campagne des élections présidentielles
paraît réactiver les engagements politiques de chacun. Sa nature en est
la cause de fond. La démarche et la personnalité volontairement
clivantes du Président-candidat en sont la raison conjoncturelle.
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