jeudi 5 avril 2012
Effet d’image
La classe politique a rendu hier un hommage dithyrambique et unanime à
Richard Descoings, le patron de Sciences Po Paris, décédé à New York
dans des conditions inexpliquées. Il n’en a pas toujours été ainsi. Si
le panache de Richard Descoings et son charisme n’ont jamais été
discutés, il n’en a pas été de même de sa façon de « démocratiser »
Sciences Po. La discrimination « positive », à la fois scolaire et
financière, qu’il a mise en place pour recruter des lycéens de zones
défavorisées a sérieusement écorné le vieux principe républicain de la
méritocratie. Au nom de l’égalité des chances, la droite avait vivement
combattu les premières conventions signées avec des lycées de banlieue,
en 2001 : elles permettent l’accès d’élèves ne remplissant pas les
conditions exigées de la part de leurs camarades.
Richard
Descoings a fait voter l’année dernière la suppression, lors du concours
d’entrée, de l’épreuve de culture générale (à Sciences Po, il fallait
oser !), au profit d’un entretien destiné à jauger la personnalité des
candidats. Le choix à la tête du client remplace la sélection par les
connaissances. Cela rappelle l’allégement continu des programmes
d’histoire et de géographie en collège et en lycée, pour mettre fin au «
bachotage » et pour favoriser « l’épanouissement » des élèves. Le
niveau scolaire et l’ardeur aux études n’en sortent pas grandis…
Qu’importe
: c’est dans l’air du temps, et savoir « capter » cet air a sans doute
été le plus grand talent de Richard Descoings. Il a magistralement
retourné ceux qui doutaient de lui, devenant une star payée 24 000 euros
nets par mois, avec des bonus et des avantages (chauffeur, voiture et
logement de fonction) qui ne cadrent guère avec l’ouverture de sa grande
école vers les banlieues défavorisées.
Manager moderne,
constamment en mouvement et chouchou des médias parisiens, Richard
Descoings a séduit Nicolas Sarkozy qui lui avait confié en 2009 une
étude sur la réforme des lycées. Le directeur de Sciences Po avait alors
tracé quelques pistes très générales, mettant l’accent sur
l’orientation, les langues vivantes, la voie technologique et le
rééquilibrage des bacs. Rien de bien révolutionnaire : dans le monde de
l’éducation comme ailleurs, il n’y a ni miracle, ni sauveur suprême.
Mais beaucoup d’effets d’annonce… et d’image.
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