Dans
son livre, « Sexe, mensonges et medias » (Ed. Plon paru le 1er mars),
Jean Quatremer, journaliste de Libération, accuse Laurent Joffrin, son
patron de l’époque, de l’avoir empêché d’enquêter sur DSK alors qu’il
était un des rares journalistes à avoir alerté à propos du comportement
de DSK envers les femmes, dés 2007. Il y revient dans le grand journal
de canal + du 28 février.
Laurent Joffrin lui répond dans une tribune, où il se défend en prenant appui « sur le respect de la vie privée ».
La grande question des medias et de leur rôle dans la vie de la cité
revient donc en force avec ce débat entre Joffrin et Quatremer.
Les medias se font incontestablement complices des politiques et des
industriels, souvent amis des politiques, lesquels sont amis des
premiers, par des liens transitifs.
On se fréquente en général entre argentés et/ou dotés d’un pouvoir et
l’équation Information = Pouvoir + Argent n’est que rarement démentie.
Les amis de DSK reprochent souvent aux journalistes ou blogueurs de « parler de DSK ».
Avant son bannissement des débats politiques pour la présidentielle, on criait au complot politique pour l’évincer du débat et l’on espérait par cette rhétorique l’en préserver.
Certains de ses amis ont cru jusqu’à la veille de la clôture des primaires qu’il « irait » malgré l’affaire du Sofitel. D’autres ont même appelé, dans une pétition de soutien, à voter pour lui en dépit des décisions du PS, grâce à un bulletin sur papier libre !
Après qu’il eut été évincé, le reproche s’est transformé, devenant désormais « C’est du lynchage », « on tire sur l’ambulance » ou « que lui voulez-vous maintenant, il ne concoure plus à rien ».
Certes. Pourtant, l’histoire nous appelle à la vigilance. Les communicants et journalistes « amis » sont toujours dans son sillage et dans celui d’autres.. Pour se souvenir, il faut se rappeler. Il n’est qu’à constater que c’est Anne Hommel – une des communicantes Euro RSCG affectée à l’image de DSK- qui a élaboré la campagne de communication du Huffington Post, media d’Anne Sinclair.
On navigue dans un petit monde qui ne tend qu’à conquérir le grand.
Medias + instituts de sondage = bras armé de la propagande des politiques.
Si l’on veut savoir « à qui appartiennent les medias », dans cet article , on apprend vite que le pouvoir médiatique appartient au pouvoir politique. Ce qui caractérise en principe un régime totalitaire.
On le sait, DSK ne doit sa popularité post-2007 qu’aux artifices de ses communicants, aidés en cela par les medias, qui ont majoritairement relayé la « popularité » supposée de DSK, via des sondages eux-mêmes frappés de suspicion en raison de l’appartenance ou des liens entre l’argent/le pourvoir et ces mêmes instituts de sondage.
Le quidam peu politisé qui lit « DSK battrait Sarkozy à 62% » est amené à penser que « DSK doit être un bon candidat pour la gauche ».
Il se fie aux sondages, n’ayant pas d’autres références. L’effet « suivre la foule » marche. De même, les titres sur la supposée « compétence exceptionnelle de DSK » s’impriment dans le cerveau du quidam qui n’a ni le temps ni les capacités d’analyser le fil de l’histoire.
Non, en politique, le miracle n’existe pas. Il faut faire campagne. Dans le cas d’un homme fortuné comme DSK, la campagne est officieuse. On embauche 4 communicants d’une grosse agence (Euro RSCG) et on distille l’image que l’on veut. C’est une forme de campagne déloyale, qui met à mal la démocratie, car les chances sont inégales entre un candidat qui possède de l’argent et des réseaux et les autres.
Soyons clairs : Quand on est battu par Ségolène Royal par plus de 60% aux primaires de 2007, on ne devient pas subitement compétent et présidentiable. Il y a eu la nomination – par Sarkozy –de DSK au FMI, qui lui a conféré une stature internationale qu’il n’avait pas auparavant, agrémentée d’une fausse aura de compétence, démentie par les mésaventures de l’Europe alors que DSK a eu 4 ans pour anticiper et agir.
Quel rôle ont joué les journalistes dans l’ascension de DSK ?
Car au-delà des communicants personnels de DSK, les journalistes ont eu un rôle non négligeable, relayant des informations partiales et partielles, sans analyse ni critique et passant sous silence ce qui pouvait gêner DSK, en empêchant des investigations, comme l’a fait Laurent Joffrin.
Jean Quatremer a alerté dés 2007, sur le comportement de DSK à l’égard des femmes, émettant des doutes sur la pertinence de le nommer à la direction du FMI. Il avait en effet écrit sur son blog en juillet 2007 « Le seul vrai problème de Strauss-Kahn est son rapport aux femmes. Trop pressant, il frôle souvent le harcèlement. Un travers connu des médias, mais dont personne ne parle (on est en France). »
Il a été seul à creuser ce sujet et même à l’évoquer. Personne d’autre n’a trouvé à redire à cette nomination qui arrangeait le futur candidat Sarkozy à sa propre réélection. Peu de temps après, l’affaire Piroska Nagy, bien que partiellement étouffée, est venue confirmer ses alertes.
Bien sûr, après l’affaire du Sofitel, il eut été difficile de continuer de se taire car cela se passait « ailleurs », et que les faits étaient déjà connus au niveau planétaire.
Ainsi, les journalistes français n’ont eu qu’à se raccrocher aux wagons.
Et ils ont donné libre cours à leur opportunisme : après avoir joué de la complicité, ils ont hurlé plus fort que leurs confrères américains.
Quelle frontière entre vie privée et publique pour un homme publique ?
Aujourd’hui, Jean Quatremer revient sur ce sujet, mettant largement en cause Laurent Joffrin, qui l’a empêché d’enquêter sur le problème de DSK. Ce dernier lui répond dans une tribune : « Suis-je coupable pour avoir refusé qu’on enquête sur la vie privée de Dominique Strauss-Kahn ? Oui, sans doute un peu. (…) mais pas pour les raisons qu’on entend le plus souvent. »
Etonnant argument que celui de Joffrin. Ainsi, le peuple, qui élit un homme n’aurait-il pas le droit de savoir si, en privé il deale ou viole des femmes ou braque les petits bijoutiers ?
Pour un élu, la frontière est ténue entre vie privée et vie publique, car l’une impacte l’autre. Que dire d’un président qui commet des délits en toute impunité ? L’image d’un élu, d’un président est intimement liée à celle de son pays, sa région. Si un élu a des activités mafieuses, par exemple, on ne peut attendre qu’il y ait « un soupçon sérieux » – dixit Joffrin- pour alerter.
Et si erreur il y a de la part du journaliste investigateur, le politique injustement soupçonné pourra toujours porter plainte en diffamation et sera le cas échéant blanchi.
Il s’agit d’un candidat au pouvoir. Et quand il s’agit du destin d’un peuple, il vaut mieux prévenir que guérir.
Cependant, Joffrin semble manier aisément le « deux poids, deux mesures », comme lorsqu’il regrette d’avoir été censuré par le Maroc récemment, mais censurant lui-même sur son media les blogueurs pour des propos que d’autres medias publient sans y voir matière à censurer. Il décide quand il veut de ce qui est diffamation ou atteinte à la vie privée, se substituant allègrement à la justice. S’agit-il d’un réflexe stalinien, ou seulement de préserver ses liens d’amitié avec les hommes politiques qu’ils cherche à protéger sous des prétextes indéfendables.
Vie privée ? Celle de notre futur président est susceptible de nous intéresser, en ce qu’elle révèle ce qu’il est, comment il se comporte, comment il va gérer nos sous et notre avenir.
Si l’affaire du Sofitel de New York s’était déroulée en France,comment Laurent Joffrin et ses confrères l’auraient-ils gérée? « étouffée » pour cause de respect de la vie privée?
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