mardi 13 mars 2012
Sarkozy : l’appel à l’Europe
Européen ou anti-européen ? La presse, comme ses principaux
adversaires, s’interrogent au lendemain du discours du
candidat-président à Villepinte, et moquent pour beaucoup cette
évolution ; mieux : cette hésitation. Nicolas Sarkozy n’en a cure : il a
décidé de jouer, malgré les risques soigneusement calculés, la carte du
réalisme appuyé sur l’expérience.
Et c’est ainsi qu’il présente la chose aux Français venus
l’entendre, aux militants venus l’applaudir. L’Europe oui, mais… oui,
pour la force qu’elle peut donner à la France, et au reste des nations
qui la composent ; mais en la débarrassant des aspérités qui
l’encombrent, et de ce fait l’affaiblissent.
« La principale leçon que je tire de ces cinq années, c’est que
l’immobilisme nous est absolument interdit, scande-t-il. Il nous est
interdit pour la France, mais il l’est tout autant pour l’Europe, parce
que nous avons rendez-vous avec un nouveau monde qui est en train de
naître. »
La vision est grandiose, et Nicolas Sarkozy la martèle à loisir :
« L’Europe ne doit plus être une menace, elle doit être une protection,
insiste-t-il. L’Europe doit reprendre son destin en main sinon elle
risque la dislocation. (…) Elle ne peut pas être le jouet des forces de
la concurrence, du marché et de la loi des pays les plus forts dans le
monde. »
Dans l’esprit du candidat, cela s’entend surtout pour deux points principaux : l’immigration, et l’économie.
Pour le premier point, Nicolas Sarkozy entend réviser les accords de
Schengen sur la libre circulation des personnes, et si les discussions
n’allaient pas dans la direction d’un « gouvernement politique » de
Schengen, d’une convergence des droits d’asile et des étrangers « dans
les douze mois qui viennent », avec la possibilité de « sanctionner,
suspendre ou exclure de Schengen un Etat défaillant », la France
« suspendrait sa participation aux accords de Schengen jusqu’à ce que
les négociations aient abouti ».
Pour le second, la France version Sarkozy 2.0 demandera que
« l’Europe se dote d’un “Buy European Act” sur le modèle du “Buy
American Act” pour que les entreprises qui produiront en Europe
bénéficient de l’argent public européen ».
« La France, poursuit-il, exigera que désormais les PME
européennes aient une part des marchés publics qui leur soit
réservée. » Là encore, si des progrès n’étaient pas réalisés dans les
« douze mois », la France ferait cavalier seul et appliquerait
« unilatéralement sa propre charte des PME jusqu’à ce que les négociations aboutissent ». « Le libre-échange, oui ! La concurrence déloyale non ! »
Ce « réveil de l’idéal européen » doit coïncider, dans son esprit,
avec le « rassemblement de la France forte ». Mais le jeu d’équilibriste
du président-candidat n’a pas manqué de susciter l’indignation ou la
raillerie – c’est selon… – de ses adversaires. Eva Joly a ainsi dénoncé
un « coup de poignard dans le dos de l’Europe », François Bayrou un
« fantasme ».
Mais c’est surtout François Hollande qui a poussé son principal
adversaire dans ses retranchements, en l’accusant de « traiter l’Europe
comme un bouc émissaire ». Les socialistes ont évidemment quelque mal à
admettre qu’on révise ainsi l’Europe, quand on prétend leur interdire
toute volonté de renégocier le nouveau pacte économique européen…
Plus concrètement, ce sont les tenants et les opposants de l’Europe
que Nicolas Sarkozy tente aujourd’hui d’accorder, par le biais d’un
discours où la souveraineté nationale viendrait humaniser l’affirmation
dogmatique européenne. D’où la réaction de Marine Le Pen qui rappelle
que Nicolas Sarkozy a contribué à mettre en place une « dictature de
l’Europe » qui affaiblit la France. Ou celle de Nicolas Dupont-Aignan
qui souligne que le discours de Villepinte est « un violent réquisitoire
contre son propre bilan en matière européenne ».
La vérité est quelque part par là… Loin des cris d’orfraies d’une
gauche qui voudrait faire croire que Sarkozy renie son idéal européen,
le président-candidat entend, au contraire, redessiner de nouvelles
frontières : « un nouveau monde qui est en train de naître »…
C’est dans ce cadre qu’il entend inscrire sa France forte. Un cadre
qui efface les distinctions subsistantes entre la France (et les autres
Etats participants) et l’Europe ; voire entre l’Europe et le monde.
Cette Europe revisitée, cette Europe renouvelée est en effet le seul
cadre dans lequel Nicolas Sarkozy est capable de comprendre sa France
forte. D’où le « gouvernement politique », d’où la « convergence » et la
« discipline commune »…
Contrairement à ce que certains de ses adversaires ont cru (ou
voulu) entendre, ce n’est pas à moins d’Europe que le président-candidat
appelle, mais à beaucoup plus.
Au-delà de la France forte, c’est l’Europe forte qui est le moteur de Nicolas Sarkozy…
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