Quoi de commun entre la mise sous surveillance négative du Royaume-Uni (et de la France au passage) par Moody's..., le film "La Dame de fer" de Phillida Lloyd, avec Meryl Streep en Margaret Thatcher, qui sort en France dans toutes les salles ce mercredi... et l'entretien accordé lundi au "Guardian", le quotidien britannique de "gauche", par François Hollande ? Le lien entre ces événements, c'est bien sûr la finance, le principal "adversaire" désigné par le candidat socialiste lors de son meeting du Bourget.
Pas de leçons à donner
Ce n'est pas la première fois que le Royaume-Uni est menacé d'une dégradation. En 2009 déjà, l'autre agence américaine, Standard & Poor's, avait menacé le triple A de la perfide Albion, pour sanctionner la perte de crédibilité financière du gouvernement Brown, contraint de nationaliser la moitié du système bancaire britannique empoisonné par la crise des subprimes. Même si cela ne faisait pas très bon camarade, François Baroin n'avait donc pas tout à fait tort lorsqu'en janvier il avait fait valoir que si la France devait perdre sa précieuse note AAA, le même sort devait advenir au Royaume-Uni. Avec un endettement public de presque 100% du PIB, un déficit de 8,6% du PIB, notre voisin d'outre-Manche n'a guère de leçons à donner à la zone euro en terme de gestion de ses finances publiques. Certes, le gouvernement Cameron a pris les devants avec un programme d'austérité sans précédent depuis... les années Thatcher. Mais visiblement, cela n'a pas suffit à convaincre Moody's, qui note que le Royaume-Uni n'est pas immunisé contre les effets de la crise de la zone euro, n'en déplaise à ceux qui dans la City, spéculent sur l'éclatement de la monnaie unique.
Pour le gouvernement Cameron, engagé lui aussi dans une guerre contre la finance, comme en témoigne son action contre les bonus excessifs de la City et pour une séparation des activités bancaires et "spéculatives", le réveil est rude. On se souvient au Royaume-Uni qu'en 1976, avant donc l'arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher, le FMI avait imposé des coupes drastiques dans les dépenses publiques au gouvernement travailliste de l'époque, en échange d'un prêt de 4 milliards de dollars. Cette humiliation qui n'est pas sans rappeler ce qui arrive à la Grèce aujourd'hui reste très présente dans les esprits à Londres, d'où le relatif consensus dans le pays sur la nécessité d'une maitrise de l'intervention de l'Etat.
Lady T, Tony B et Mister H
Ce consensus n'a pas été aisé à obtenir. Maggie y a gagné son surnom de "Dame de fer" en luttant pied à pied contre les syndicats et la fonction publique, jusqu'à réduire massivement, trop massivement sans doute, la part des dépenses publiques. Au cours de ses onze ans, six mois et 24 jours de pouvoir, "Lady T" a réussi à imposé une véritable révolution libérale à son pays, à tel point qu'à un moment, le Trésor britannique n'émettait pas assez de dette publique pour les besoins des investisseurs institutionnels ! Ce fait n'est pas sans lien d'ailleurs avec la réussite de l'internationalisation de la City de Londres qui est devenu la plaque tournante du circuit financier mondial, profitant d'une situation géographique idéale (le Méridien de Greenwich est à équidistance de Wall Street et de Tokyo).
Après les excès du Thatchérisme, vinrent les années Blair, au cours desquelles le Royaume-Uni a de nouveau augmenté ses dépenses, notamment en matière de santé et d'éducation. C'est d'ailleurs bien Tony Blair que François Hollande est venu invoquer dans son entretien au "Guardian", en faisant siennes les réussites économiques de l'ancien Premier ministre, sans en endosser le credo libéral. Le candidat socialiste à l'élection présidentielle française a aussi tenté de rassurer la City de Londres sur ses intentions à l'égard de la finance. Il a ainsi rappelé que les socialistes français avaient, au moment même où Margaret Thatcher était au pouvoir, "libéralisé l'économie française", "ouvert les marchés financiers" comme jamais les gouvernements conservateurs ne l'avaient fait auparavant. "Vous n'avez pas de raison d'avoir peur de nous". D'où la question, posée sans fioriture par ses adversaires de gauche comme de droite : quel François Hollande, celui du Bourget ou celui du "Guardian", est le vrai ? Sur la dépense publique et l'impôt, il penche à gauche. Sur l'économie, il promeut une politique de l'offre, plutôt libérale. Sur la finance, il promet d'appliquer ce que Cameron a fait dans la City, mais rien de plus. A ce jeu du caméléon, la campagne, qui va entrer dés ce soir dans le vif du sujet avec l'officialisation de la candidature de Nicolas Sarkozy, va devoir apporter des réponses.
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