Encore trois mois à tirer et déjà un sentiment de lassitude. Je rêve d’une semaine sans voir apparaître sur écran ou papier la tronche des candidats, qu’ils soient déclarés, éventuels ou improbables. Juste une semaine sans ces trouvailles lourdingues de communicants, distillées jour après jour aux seules fins de “reprise”.
Juste une semaine sans cette grêle de sondages et ces commentaires répétitifs sur les chances de Bayrou et de Marine Le Pen d’atteindre le second tour. On sait tout sur les ficelles des positionnements, la fabrication des “images”, les combines tactiques, les goûts et couleurs, les épouses ou compagnes, les “entourages” et même les chevaux. Presque tout sur les programmes, dont on se fiche, sachant que grâce au ciel ils ne seront pas appliqués. Les promesses d’argent, quel naïf peut y croire ? L’État est fauché comme les blés en été, les collectivités locales sont dans le rouge et les vrais gros contribuables – entreprises ou particuliers – ont déjà pris leurs précautions. Que Mélenchon traite Marine Le Pen de « semi-démente », est-ce important ? Que Hollande se décrète ennemi juré du « monde de la finance », ce diable à mille fourches, est-ce bien nouveau dans le pathos d’un socialiste ?
On a tous compris depuis belle lurette que Mélenchon drague le prolo lepéniste et que Hollande a besoin de réveiller le fantôme d’un « peuple de gauche ». On sait tous que Bayrou se veut transfrontalier puisqu’il n’a pas de troupes, et que Joly nous vend du moralisme en gros, c’est son négoce. On sait aussi que comme ses prédécesseurs, Sarkozy sera le plus longtemps possible candidat sans l’être. Jamais une campagne présidentielle ne m’a donné à ce point une impression de trucages grossiers : on croit voir des acteurs répéter en off des tours de magie auxquels plus personne ne se laisse prendre,hors l’engeance militante. Pourtant, nous abordons un moment historique assez crucial, qui promet des chambardements et mériterait qu’on s’y appesantisse. Justement, il semble que ce moment, les politiques le prennent par les bouts les plus usés des lorgnettes de la démagogie. Le monde à venir nous plonge dans une perplexité qu’aggrave leur cécité. Ce qu’ils ressassent en boucle, chacun dans son patois partisan, nous écœure jusqu’à la nausée, c’est du racolage au ras des pâquerettes alimenté par un souteneur sans vertu : le système médiatique.
Après l’hiver, le printemps – et je m’enfièvre toujours à l’approche des fins de championnats, foot et rugby. Quand on connaîtra les candidats, quand adviendra l’équivalent des demi-finales, je renouerai sans doute avec la passion sportive. Pour l’heure, qu’il s’agisse de ballons ou de bateleurs, il y a saturation, une cure de désintoxication s’impose. Relisons à l’abri du bruitage les historiens majeurs, ils nous déniaiseront, ils éclaireront nos lanternes. Car aucune rupture mentale, morale, économique et géopolitique n’est comparable à celle que nous vivons hic et nunc, sinon le passage de la cueillette à l’agriculture, autant dire l’entrée de l’homme dans l’Histoire par la porte des premiers alphabets, des premières cités, des premières sépultures. À cette aune, les considérants de ce début de campagne ne pèsent vraiment pas lourd.
Anne Sinclair fait savoir qu’elle a repris un job. C’est son droit. Des médias relayent urbi et orbi cette “information” des plus anodines. C’est leur conception du journalisme. Il n’y aurait pas lieu d’y prêter attention si la même Anne Sinclair ne se déclarait victime de la « violence » des mêmes médias. Que le battage consécutif aux tracas parajudiciaires de son mari l’ait incommodée, on le conçoit volontiers. Mais la mise en scène à l’artillerie médiatique lourde de sa précandidature jusque dans sa cuisine ne l’avait pas offusquée en son temps. Anne Sinclair s’est sciemment construite en star au long de son ascension professionnelle, puis mondaine et somme toute politique. C’était son droit. La gent journalistique se prêtait à cette entreprise avec une certaine complaisance. Anne Sinclair est assez “pro” pour ne pas ignorer qu’une star en déclin ou en déroute affriole forcément ses anciens confrères. Nulle « violence » donc, juste une histoire de miroirs brisés à l’intérieur d’un cercle où les rôles s’échangent au gré des caprices du sort.
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