TOUT EST DIT

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vendredi 27 janvier 2012

Du danger des proclamations


François Hollande n’a pas raté son entrée en campagne. Les militants étaient venus en masse au Bourget (20 000 selon les organisateurs). « Mais il n’y avait pas le peuple », a relevé Ségolène Royal, meurtrie d’être zappée dans le film qui retraçait les grandes heures du Parti socialiste. Il est vrai qu’elle suscitait en 2007 une ferveur quasi mystique que l’on ne retrouvait pas dimanche.


Il y avait une brochette de people (Biolay, Darmon, Noah…). Tout le PS rassemblé. Et au premier rang, les plus belles fraises du panier : les anciens premiers ministres Mauroy, Fabius, Cresson, Jospin (il manquait Rocard). Les candidats à la primaire avec Martine Aubry en majesté. Et Mazarine Pingeot aux côtés de Valérie Trierweiler, la compagne du candidat. Le test de sa réussite ? C’était de regarder la tête qu’ils faisaient en écoutant le discours. Ils affichaient l’air béat de qui avale une gourmandise. Y compris ceux qui, hier encore, confiaient en privé leurs doutes sur son caractère et ses capacités de leadership. Ils semblaient rassurés.


François Hollande, dont le talent d’orateur est indéniable, leur a servi ce qu’ils aimaient. La gauche a le culte des totems. Il a fait son “Mitterrand”. Moins que d’habitude dans la gestuelle et le ton. Le mimétisme était devenu si caricatural qu’il tournait au numéro d’imitateur. Comique !


Ses conseillers lui ont dit d’en faire moins. Mais il a sacrifié à la liturgie qui avait fait le succès du seul socialiste élu à la présidentielle – tirer à boulets rouges sur la finance : « Mon véritable adversaire n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature, et pourtant il a pris le contrôle de nos vies, c’est le monde de la finance, qu’il faudra affronter dans un long combat. »


C’était quasiment un copier-coller du discours de Mitterrand à Épinay en 1971 : « Le véritable ennemi, j’allais dire le seul, parce que tout passe par chez lui, c’est lui qui tient les clés, c’est le monopole de l’argent qui corrompt, qui achète, l’argent qui écrase, l’argent roi qui pourrit jusqu’à la conscience des hommes. » Avec ces mots-là, il s’était installé à la tête du PS dont il n’avait pas la carte deux heures plus tôt.


Un mois avant d’entrer à l’Élysée, Mitterrand cultivait encore le filon : « Le système capitaliste est à l’origine du mal, la loi suprême du profit élimine l’inspiration individuelle ou collective vers des valeurs telles que la beauté, la fête, l’amour, le dialogue. »


Trois ans plus tard, il reniait le programme qui l’avait fait élire. L’économie n’a pas de cœur. Les déficits lui avaient imposé deux plans de rigueur. Il proclamait : « Il faut d’abord gagner de l’argent, seuls ceux qui peuvent dégager des profits sont en mesure d’investir. » Et il faisait l’apologie d’un certain Steve Jobs : « Il est le fondateur d’Apple qui représente des centaines de millions de dollars, ce qui est le témoignage de sa réussite. » (4 avril 1984.)


François Hollande devrait se méfier. Une fois le pouvoir conquis, les proclamations simples se révèlent compliquées à mettre en oeuvre. La France ne sortira pas de la crise en déclarant la guerre aux banques qui financent l’économie et contribuent à la croissance. Elles ne peuvent pas être les boucs émissaires de tous nos maux.

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