Alors que les pays de la zone euro peinent à trouver un accord sur les modalités d'un nouveau plan d'aide à la Grèce, le scénario d'une contagion est en train de se mettre en place. Les marchés européens craignent que la crise de la dette atteigne aussi l'Italie et l'Espagne. La propagation est-elle inévitable ? Pour Céline Antonin, économiste au département analyse et prévision du Centre de recherche en économie de Sciences Po, il faut impérativement prendre une décision claire sur la Grèce.
Céline Antonin : La crainte existe depuis le déclenchement de la crise grecque, avec, en mai 2010, la prise de conscience du taux d'endettement et du déficit important de ce pays. Cela a attiré l'attention sur le cas d'autres pays fragiles, notamment l'Irlande, ensuite le Portugal. D'emblée, le risque de contagion a été évoqué.
Depuis, c'est la crainte d'une propagation de la crise qui a motivé la création du fonds européen de stabilité financière. Plus récemment, le débat a été relancé avec la discussion autour du deuxième plan d'aide à la Grèce. L'impossibilité de trouver un accord sur ce plan, ainsi que les difficultés rencontrées par d'autres pays, suscitent la crainte.
La contagion de la crise de la dette est-elle inévitable ?
C'est difficile à dire, parce que le cas grec comporte tout de même des spécificités qui ne sont pas forcément partagées par d'autres pays : une situation très dégradée avant la crise en termes de dette publique, un déficit creusé à des niveaux pas atteints par d'autres pays européens, des problèmes d'ordre structurel comme le manque de compétitivité, l'évasion fiscale, et l'économie souterraine...
Certes, les pays les plus fragilisés vont sûrement subir le contrecoup de la Grèce, notamment les pays aidés par le fonds européen de stabilité financière : l'Irlande et le Portugal. Mais la situation des uns n'est pas forcément transposable aux autres, même si en termes d'endettement public et de déficit, tous les pays européens ont connu des difficultés après la crise.
L'indécision européenne n'aggrave-t-elle pas la situation ?
Il faut prendre des positions claires, en commençant par une décision rapide sur la Grèce : la temporisation sur ce cas augmente les risques de contagion. Il est normal que différentes voix s'expriment, mais il faut montrer que l'Union européenne et le Fonds monétaire international sont solidaires, décider jusqu'à quel point ils sont prêts à aider le pays, et de quelle façon. C'est aussi l'incertitude qui crée la situation que nous vivons actuellement : on ne sait pas si la Grèce va faire partiellement défaut, ou si elle sera totalement aidée par l'UE et le FMI, ou encore si les créanciers privés vont participer, et dans quelle mesure... Une décision claire contribuerait à apaiser les peurs.
Puis il faut construire une véritable Europe budgétaire qui s'appuie sur un peu plus que quelques indicateurs de Maastricht. Il s'agit notamment de décider si on se dirige vers un système fédéral, où on émettrait des obligations européennes, en faisant régner la solidarité au sein de l'UE. Si ce n'est pas le cas, il faut le dire clairement, et accepter qu'un pays fasse défaut, avec les conséquences que cela peut avoir sur les autres économies.
Les responsables européens jouent la carte de la dédramatisation. Est-ce une bonne stratégie ?
Ils n'ont certainement pas intérêt à jouer la carte du catastrophisme. De toute façon, les agences de notation en rajoutent déjà suffisamment. Ce n'est pas la peine d'agiter le spectre de l'angoisse. Ils ont raison, mais le plus important est de prendre des décisions en espérant qu'elles fassent consensus.
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