Dix ans, ce devrait être au moins l’âge de raison pour l’euro. Mais c’est encore de maladie infantile dont souffre la monnaie unique européenne. Alors qu’on la croyait à l’abri des mauvaises infections, la voilà qui connaît même l’un de ces accès de fièvre répétitifs qui peuvent à tout moment l’emporter pendant l’hiver. Le plus triste, c’est que personne n’éprouve de véritable affection pour elle. Pas même d’attachement particulier au delà, pour ses protecteurs, de la certitude de sa nécessité. Aura-t-elle jamais été populaire ? Trop nordique dans son dessin. Trop allemande dans sa rigueur. jusqu’à son nom - préféré à «l’écu » de VGE qui sonnait tellement français - jugé d’emblée froid. Impersonnel. Comme « la zone » sur laquelle elle règne qui suggère davantage les urgences hospitalières - il faut la sauver ! - que le voyage dans l’histoire que nous proposaient Pasteur ou Richelieu.
Ah, la nostalgie du franc… Elle ne s’est pas vraiment éteinte, animée par le souvenir flou de l’âge d’or des trente glorieuses. Et régulièrement revient la tentation de ressusciter la semeuse des rêves de prospérité d’une France pleinement souveraine et maîtresse absolue de son destin monétaire et politique. Et qu’importe si cette illusion anachronique coûterait des fortunes, elle berce les langueurs monotones.
L’euro a l’odeur aigre de la crise après avoir longtemps traîné derrière lui un lourd parfum de soupçon. Le passif psychologique qui leste son image est chargé. Calcul impossible, la division par 6,55 avait servi - une bonne partie de l’opinion en reste persuadée - à dissimuler une augmentation des prix. Désormais, on lui reproche d’avoir incité les démocraties à remplir leurs valises de dettes jusqu’à ce qu’elles deviennent des boulets paralysants. Et qu’ils sont agaçants ces Britanniques qu’on disait isolés avec leur livre sterling avec leur livre sterling, et qui paraderaient presque aujourd’hui avec un AAA que la Banque d’Angleterre rend nettement plus durable que le nôtre. Quant aux autres Etats sceptiques qui ne tentèrent pas l’aventure, eh bien ils entendent le rester.
Les vertus de la faible inflation et du dynamisme des échanges que portait l’euro ont été inhibées par la mauvaise coordination manifeste de ses opérateurs. Les nuits bruxelloises de l’automne 2011 au chevet de l’objet sulfureux ont fait oublier la légèreté du printemps 2002 quand il avait rapproché Paris d’Amsterdam, Berlin de Madrid, Rome de Dublin. Contre toute attente l’argent - un seul et même argent - avait alors généré une furtive fraternité.
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