mercredi 30 novembre 2011
Lana Peters : la fille unique de Staline est morte
Svetlana Staline de son premier nom est morte lundi des suites d'un cancer du colon dans une petite ville du Wisconsin, à 85 ans. Retour sur la vie de la dernière enfant du « Petit père des peuples ».
Son patronyme aura été tout au long de sa vie un fardeau. Au Wisconsin State Journal, elle dira en 2010 : « peu importe où je vais, je serai partout la prisonnière politique du nom de mon père. » Lana Peters, née Svetlana Staline, est morte le 22 novembre, selon le New-York Times, d'un cancer du colon à l'hôpital de Richland County, dans l'état rural du Wisconsin où elle avait trouvé refuge depuis les années 1990. La fille unique de Joseph Staline a trouvé le calme, une chose qu'elle n'avait connue qu'à de rares occasions au cours de ses 85 années d'existence.
À partir de 1941, et le début de la seconde guerre mondiale pour l'URSS, la relation père-fille se détériore. La jeune fille de 16 ans s'amourache d'un cinéaste juif, de 20 ans son aîné. En 1943, Staline, qui désapprouve cette liaison, l'oblige à rompre les fiançailles et envoie l'homme dans un goulag sibérien. Après des études forcées d'Histoire, de littérature soviétique et d'anglais, elle épouse en 1945 Grigory Morozov, juif lui aussi, qui lui donnera un fils, Joseph. Deux ans plus tard, ils divorcent.
Son second mariage, tout aussi éphémère car ils divorcent en 1950 peu de temps après la naissance de Lekaterina, sera néanmoins beaucoup plus « politiquement correct ». Elle épouse en 1949 Louri Jdanov, fils de Andreï Jdanov, numéro trois du Parti communiste de l'Union soviétique mais aussi instigateur de la doctrine du même nom (reconnaissant la disposition du monde en deux blocs antagonistes) et qui marque, avec la doctrine Truman, le début de la Guerre Froide.
Staline, en fin de règne, entretien d'ailleurs des relations de plus en plus glaciales avec Svetlana. En 1953, quand « l'homme de fer » du Kremlin décède, elle change une première fois de nom en reprenant celui de sa mère, « Alliluyeva », afin d'échapper tant bien que mal à son lourd patronyme en temps de déstalinisation. Les pressions sur sa personne sont multiples et quand l'occasion de prendre la tangente se présente, elle n'hésite pas une seconde. En 1967, alors que son compagnon indien - que les officiels russes lui ont interdit d'épouser - meurt, elle profite de l'autorisation de quitter le territoire de l'URSS afin de l'inhumer, pour se rendre à l'ambassade américaine et demander l'asile politique.
Entre soviétiques et américains, l'heure est à la « détente ». Les américains hésitent à accéder à la requête de Svetlana Staline de peur de détériorer les relations diplomatiques entre les deux superpuissances. Mais le bénéfice d'image qu'ils peuvent retirer de cette défection historique est trop grand et Svetlana arrive aux États-Unis la même année après un bref crochet par l'Italie et la Suisse.
Seule (ces deux enfants sont restés à Moscou), elle tire un trait sur sa vie d'avant. Elle épouse William Peters en 1970. Ce troisième mariage ne sera pas plus réussi que les deux précédents et donnera naissance à une seconde fille, Olga. Elle divorce en 1973, mais a gagné une nouvelle identité, qui l'éloigne de ses origines russes : elle est désormais Lana Peters.
La vente de ses deux autobiographies, Twenty Letters To A Friend (Vingt-deux lettres à un ami, 1967) et Only One Year (Juste un an, 1969), la met à l'abri du besoin. Mais ce brusque enrichissement, bien loin du collectivisme soviétique, ne lui réussit pas. En 1984, Lana décide de retourner en URSS pour retrouver Joseph et Lekaterina, qu'elle n'a pas revues depuis son départ précipité. Elle s'installe sur les terres natales de son père, à Tbilissi, en Géorgie. Ses deux enfants ne sont malheureusement pas très enclins à profiter d'un mère absente depuis 17 ans et devenue depuis indésirable, même sur les bords de la mer Noire. Incapable de se réadapter à la vie en URSS, elle sollicite en décembre 1985 de Mikhail Gorbatchev l'autorisation de quitter le pays. En avril 1986, elle est de retour en Amérique.
Son argent dilapidé, elle terminera sa vie dans l'anonymat et le calme. Une vie romanesque dictée par le nom tristement célèbre d'un des pires despotes du XXe siècle.
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