Le Minitel s'éteindra en juin 2012, a annoncé France Télécom, proclamant ainsi la fin d'une légende. Les lecteurs du Monde.fr ont confié leurs plus beaux souvenirs sur le Minitel.
- "La lenteur d'affichage ajoute au suspense", par Ludovic
A un tournant de ma vie d'étudiant, changement de voie. Je quitte une filière technique qui me barbe et m'oriente vers une école d'infographie. Je passe le concours. Un mois plus tard, c'est le jour des résultats. Ceux-ci étaient disponibles sur le Minitel.
La lenteur d'affichage ajoute au suspense. J'arrive sur la lettre S, la lettre de mon nom. Seulement quatre ou cinq nom par page. Sur la première je vois un seul nom reçu et les autres non reçus. Page suivante, aucun reçus. Page suivante... ma respiration s'arrête et ma gorge se bloque. A côté de mon nom est écrit "admis". Ma vie bascule à ce moment. Merci, mon petit Minitel. J'ai fait tout le cursus de cette école, quatre années, et suis sorti major de ma promo. Je travaille depuis plus de dix ans dans le cinéma.
- Une dernière génération, par Laura
Posé sur le bureau de mon père,
"ça coûte cher" et on ne l'utilise pas pour rien. Touches grises, plates, et vertes.
"Qui s'est servi du minitel ? Le téléphone était encore occupé !" Mais c'est que ça me fascine, moi, ces lignes qui s'affichent en se déroulant sous mes yeux. Et soudain, l'info qu'on souhaitait ! Comme un trésor. Heureusement que le Minitel fonctionnait encore au moment d'
entrer à la fac : c'est lui qui me donnera la bonne nouvelle du bac. J'ai bien ri quand ma jeune sœur a dû télécharger une application sur son iPhone pour
avoir les résultats du bac de français.
Au début des années 1990, c'était le temps des raves et du Minitel. Les premières étaient suffisamment rares pour que mes amis et moi fassions plusieurs plusieurs centaines de kilomètres dans la soirée pour
descendre à Marseille pour une Dragon Ball ou à Saint-Trop' pour une fête sur les plages du Blouch. C'était le moyen le plus efficace pou
obtenir des informations de dernière minute sur une teuf à
venir à l'autre bout de la France. Au milieu des services de Minitel rose et du 3615 SNCF se trouvait le 3615 code RAVE. Depuis, les raves ont été remplacées par le clubbing et le Minitel par Internet. L'accès à la musique et à l'information électroniques s'est démocratisé. C'était le bon vieux temps...
- "Des souvenirs forcément roses...", par Fred
Des souvenirs de minitel ? Des souvenirs forcément roses.... Mes 15 ans. Allongé sur le ventre sur la moquette du salon. Des après-midi passées à
essayer tous les 3615 + un nom sexy pour me
perdre dans un érotisme ou une pornographie minimalistes. Des petits bonhommes en bâtons dans des poses suggestives, de longues minutes à
remplir un profil qui ne servait jamais à rien, des échanges de messages avec de vraies fausses
"coquines de ma région" dévoilant au compte-gouttes un numéro de téléphone toujours incomplet. Et puis venaient les engueulades des parents lorsque tombait la note de téléphone, suivies de la promesse jamais tenue de ne pas
recommencer.
- "Le Minitel m'a apporté le bonheur", par Josette
Le Minitel m'a apporté le bonheur. Je galérais depuis sept ans avec quatre enfants et puis, sur un site, j'ai rencontré Noël. Il était de Marseille et moi de Belfort. Je venais de
perdre mon papa et pour moi la vie était très dure. Noël a su, avec sa gentillesse, m'
apporter la joie de
vivre. Nous nous sommes connus en mars 1989 et nous nous sommes marié le 25 mai 1991. Cela fait vingt ans que nous sommes mariés et nous sommes très heureux. Je ne regrette pas les factures de téléphone.
- "Chaque matin au réveil, je me connectais sur 3615 BasketUSA", par Romain
Fan de basket américain, j'utilisais quotidiennement le Minitel avant l'arrivée d'Internet pour
obtenir les informations les plus fraîches sur la NBA. Chaque matin, je me connectais au 3615 BasketUSA et il fallait s'
armer de patience pour
voir les résultats des matchs de la nuit qui s'affichaient ligne après ligne, à mesure que la page se chargeait. Toute une époque !
Au-delà des statistiques des rencontres, le Minitel m'a surtout permis de
vivre un des plus grands moments d'émotion de ma vie de fan de basket : le retour de Michael Jordan à la compétition, en mars 1995. Les semaines qui ont précédé son retour officiel ont été marquées par de nombreuses rumeurs et informations allant dans le sens d'un possible come-back. Ces informations qui m'ont fait
vibrer alors que j'avais 14 ans, je les ai lues sur le Minitel.
Je me souviens
avoir sauté de joie et couru dans toute la maison lorsque Michael Jordan est effectivement revenu au jeu. En revanche, je me souviens aussi de
voir régulièrement ma mère
faire la tête lorsqu'elle recevait la facture téléphonique...
- "Une époque où les crimes informatiques étaient mal définis", par Otto
En tant que jeune hacker à une époque avant le Web,
accéder les réseaux était vraiment difficile. Le Minitel permettait de se
connecter, illégalement bien sûr, mais à une époque où les crimes informatiques étaient mal définis, à toutes sortes de systèmes. Je me souviens en particulier de la possibilité de se
connecter en 3614 sur un VAX de VLSI, qui ensuite permettait d'
accéder aux réseaux X.25/X.75 et ainsi
rebondir sur toute la planète. Il existait quelques passerelles X.25/Internet ce qui permettait donc d'
accéder à Internet depuis un Minitel.
Moi je suis né en 1979, le minitel était encore en gestation. Gamin, je n'avais pas le droit de me
connecter aux services en ligne... En allumant le Minitel, il est possible sans se
connecter de
taper des phrases au clavier, de
changer de couleur... enfin, de niveaux de gris. Avec du temps et de l'imagination, on pouvait même
dessiner avec des barres verticales ou horizontales. Mon meilleur
souvenir est donc d'
avoir pu
remplir l'écran du minitel avec un dessin comprenant une maison, une barrière, un bonhomme qui clignotait de l'œil gauche ! Mon pire
souvenir : en séjour ennuyant chez ma tante, l'engueulade lorsqu'elle m'a surpris devant son minitel. Impossible de lui
expliquer que ça n'allait rien lui
coûter.
- "J'étais de l'autre côté de la barrière", par jmp
J'étais de l'autre côté de la barrière. J'ai travaillé environ quinze ans pour un service télématique d'informations, adossé à un grand groupe de presse. Nous avons tout inventé ! Les live, les bases de données, l'interactivité... La seule chose qui a changé avec Internet, c'est le son et l'image. Toutes les recettes que nous appliquions à l'époque restent en vigueur sur la Toile aujourd'hui. Finalement, la principale différence... c'est le modèle économique. A 1,29 franc la minute sur le 3615 kinenveu (si mes souvenirs sont bons), on parlait en "heures" et ces heures correspondaient à des rentrées sonnantes et trébuchantes. Cette rentabilité n'existe pas sous cette forme avec Internet. Un modèle semblable reste encore à
inventer !
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