L’an V du quinquennat Sarkozy sera-t-il l’aube de « la république irréprochable» - quelle formule, tout de même ! - promise pendant la campagne présidentielle de 2007 et largement oubliée en cours de route. Une aube tardive, mais bon, on ne va pas finasser. Entre-temps, d’autres priorités ont triomphé au sommet de l’État, et puis il y avait la crise n’est-ce pas ? Mais il faut croire que le vent préélectoral a d’extraordinaires effets vertueux. Après le projet constitutionnel de règle d’or, présenté comme l’alpha de l’avenir de la nation, voici donc, comme un évident oméga, une loi sur la déontologie de la vie publique. Un miraculeux doublé auxquels les parlementaires, en plein été, sont aujourd’hui sommés de donner corps.
On a tant soupiré contre les multiples dérives et autres petits péchés véniels que notre démocratie passe à son personnel politique qu’on a envie d’applaudir. Et de dire : enfin ! Oui, enfin des règles claires pour recadrer les mauvaises pratiques des uns et des autres et pour rectifier l’art certain, et tellement français, de combiner les intérêts. Car le problème, ici, n’est pas tant le fameux «conflit» - ah, si seulement il pouvait repousser les tentations du mélange des genres ! - que les petits arrangements avec sa conscience. Ces subtiles variations de la probité que le verbe et les proclamations d’innocence outragées et trop souvent pleurnichardes sur le mode - je n’ai rien fait de mal, c’est légal - permettent au final de justifier beaucoup de choses au-delà des limites de l’acceptable. Éric Woerth, par exemple, ne comprend toujours pas pourquoi il avait été, au mieux, maladroit, au pire, inconscient... Sûr de son honnêteté, il ne voit toujours pas le problème qui a conduit le chef de l’État à l’évincer du gouvernement.
Irréprochables, donc ? Chiche ! Pour commencer, on voudrait être convaincu que la loi mettra en place des règles nettes. Et là, étrangement, le projet qu’on nous propose ne veut pas s’encombrer d’une définition trop précise des cas de conflits d’intérêts pourtant préconisée par la commission Sauvé. En revanche, il se jette comme un affamé sur l’énonciation de «principes fondamentaux» et sur la création d’une «Autorité de la déontologie de la vie publique.» Une autorité qu’on nous promet «indépendante» mais qui sera quand même nommée par décret ministériel...Très bel exemple d’antithèse, mais l’essentiel n’est pas là. Comme d’habitude - autre travers français - on pense structure avant de penser concret. Ça ne mange pas de pain et c’est aussi plus commode. On peut se draper dans de grands engagements immaculés sans s’imposer trop de contraintes immédiates.
C’est plutôt habile pour donner des gages de rédemption à une société française qui fera de la morale un enjeu du prochain scrutin présidentiel, et ce sera toujours mieux que le n’importe quoi indécent qui prévalait jusque-là.
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