vendredi 24 juin 2011
Un repli très politique
La question n'était plus de prévoir si les Occidentaux se retireraient d'Afghanistan, mais de savoir comment ils le feraient. Même si des progrès ont été enregistrés après dix années douloureuses d'action sur le terrain, le pays est loin d'être devenu un havre de paix et sa vie politique un modèle de démocratie. Pour ces raisons, le retrait sera très progressif et il restera encore 65 000 GIs sur 100 000, et sans doute deux ou trois mille Français au moment des présidentielles française et américaine.
Personne ne pouvant se réjouir du bilan, la décision de la Maison- Blanche et le suivisme de l'Élysée obéissent donc à d'autres considérations, militaires, budgétaires et politiques.
Militaires : on n'aurait jamais mobilisé tant d'hommes et tant de milliards, si l'objectif n'avait été que de capturer Oussama Ben Laden. Son élimination n'est donc qu'un prétexte pour justifier un départ qui revient, en réalité, à admettre qu'une présence militaire massive n'est pas la meilleure arme pour tarir la source du terrorisme mondial.
Entre-temps, l'épicentre de l'intégrisme musulman s'est déplacé au Pakistan. Les révolutions arabes ont déjoué les plans d'Al-Qaida. Et l'on sait, depuis le livre blanc adopté par la France en 2008, que l'efficacité antiterroriste passe d'abord par le renseignement et l'intervention rapide sur tout l'arc qui s'étend de Kaboul à la Mauritanie. Une concentration militaire en Afghanistan n'est plus une arme adaptée à notre recherche de sécurité.
Budgétaires : une majorité d'Américains souhaitent un retrait et un nombre croissant de voix s'élèvent au Congrès pour demander la fin d'une opération qui coûte 7 milliards d'euros par mois au budget fédéral. Pour la France ¯ qui totalise 22 000 hommes en Afghanistan, en Libye, en Afrique noire, au Liban et au Kosovo ¯, la facture devenait trop lourde en période de crise et de déficit.
Mis en garde par l'Europe, épinglé par la Cour des comptes et conscient de la menace d'une hausse des taux d'intérêts, Nicolas Sarkozy doit réduire partout la dépense publique. La France ne peut pas mener longtemps trois guerres à la fois. D'autant que l'on ignore ce que durera et ce que coûtera l'intervention en Libye. Les limites, financières plus encore qu'humaines, allaient nous empêcher de réagir à toute crise imprévue.
Considérations politiques, enfin : on ne peut pas cautionner davantage le régime Karzaï qui flatte son opinion en décriant la présence occidentale, qui négocie avec les Talibans, la cible originelle de l'Otan, et qui se nourrit de la corruption. Promesse électorale de Barack Obama, le début de la fin de la guerre initiée par George Bush devait trouver une première concrétisation. Ne serait-ce que pour entretenir, durant sa campagne, le bénéfice de l'élimination de Ben Laden.
En France, l'alignement des cercueils rentrés de Kaboul ¯ 62 soldats tués ¯ commence à dérouter une opinion lassée par l'acharnement à combattre dans les vallées afghanes et par le sinistre compteur de la détention de nos otages. Nicolas Sarkozy n'avait plus que des ennuis électoraux à en attendre. Depuis quelque temps, il considérait le départ d'Afghanistan, officiellement envisagé à partir de 2012, comme une issue nécessaire. Mal récompensé de son alignement sur les Américains, il lui fallait cette conjonction d'éléments pour habiller un repli en une décision de bon sens.
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