vendredi 24 juin 2011
Radiographie du nouveau lepénisme
Jusqu'ici, Marine Le Pen a bénéficié d'un traitement médiatique particulièrement clément. Cette mansuétude s'explique. La présidente du Front national est une femme encore jeune, mère de famille ostensiblement moderne, nouvelle venue parmi les dirigeants politiques de premier plan. Elle excelle à la radio et à la télévision, avec du culot, de la pugnacité et du charisme. Le populisme progresse en Europe, l'extrême droite se redresse, les sondages de Marine Le Pen l'encouragent, même s'ils fléchissent légèrement. Elle est presque à la mode. Voici deux livres, écrits par des femmes, qui viennent rompre le consensus paradoxal qu'elle avait su créer.
Le premier est dû à Caroline Fourest et Fiammetta Venner, deux spécialistes reconnues de l'extrême droite et des intégrismes religieux. Leur "Marine Le Pen" (1) constitue certainement l'ouvrage le plus intelligent et le mieux informé sur le sujet. Elles se penchent avant tout sur le processus de "dédiabolisation" entrepris par Marine Le Pen. Habilement, elles se gardent bien de la caricaturer ou de la sous-estimer. Elles soulignent au contraire les épreuves personnelles subies (l'attentat de 1976, les brimades à l'école, le départ théâtral de sa mère), lui reconnaissent à tort ou à raison un don de sympathie et, à juste titre, des qualités politiques évidentes. Elles décortiquent avec subtilité et minutie - d'ailleurs, tout leur livre est minutieux - les rapports père-fille avec Jean-Marie Le Pen. Elles n'escamotent rien des inflexions imprimées par la dauphine couronnée de l'entreprise familiale Le Pen. Elles mettent avec vigueur l'accent sur la continuité des thèmes. Derrière les modifications de vocabulaire, les changements de cap (le passage du tout-libéral à l'étatisme, nationalisations comprises) ou l'OPA apparente sur la laïcité, on retrouve toujours la xénophobie, le nationalisme, le protectionnisme, l'autoritarisme. L'intéressant est qu'elles le démontrent avec une connaissance encyclopédique des textes, des témoignages, du personnel et de la petite contre-société que constitue l'extrême droite, toujours avec une précision pédagogique. Seul regret, les quelques pages finales, une sorte de vade-mecum de la résistance au Front national que le reste du livre rend bien inutile.
Nathalie Kosciusko-Morizet publie, elle, sous un bon titre, "Le Front antinational"(2), un petit livre rapide, spontané et vigoureux. Femme de droite revendiquée, la ministre de l'Ecologie a de fortes convictions républicaines qu'elle développe ici sans complexe. Elle aussi démythifie sans langue de bois l'extrême droite, qui, chez Marine Le Pen, s'affuble du masque plus ambigu du populisme. Elle souligne notamment l'irréalisme absolu du programme économique du Front national et les conséquences désastreuses que son application aurait en particulier pour les classes moyennes et populaires. Elle remarque aussi, judicieusement, que Marine Le Pen, si elle sait apparaître plus moderne que son père, n'est en rien plus modérée que lui.
1. Grasset, 430 pages, 20 euros. 2. Editions du Moment, 94 pages, 9,95 euros.
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