mardi 21 juin 2011
Le sacre d'une pratique populaire
Quand François Mitterrand est élu président de la République, en 1981, la gauche n'a pas encore idée du pouvoir d'attraction de la musique chez les Français. Certes, elle en a eu un avant-goût place de la Bastille, le soir du 10 mai, mais personne n'imaginait possible d'instituer une fête nationale populaire. Il suffisait pourtant, ce soir-là, d'observer à Paris, Marseille ou Nantes, la place symbolique accordée à la chanson, à la poésie et aux instruments pour deviner qu'un désir nouveau d'expression avait émergé.
Entre-temps, les nouvelles générations s'étaient mises à fréquenter les conservatoires ouverts sous Malraux puis, sous l'influence de la pop et du rock, à acheter des instruments de musique (plus de 4 millions !). C'est si vrai que lorsque Jacques Higelin, figure de proue artistique de la gauche se met, le 21 juin 1982, à crier Beauté Crachée sur son char, entre Bastille et République, la foule y a reconnu une sorte de sacre de la pratique musicale populaire.
La Fête de la musique était née. Dans sa cacophonie naturelle, elle a offert, sous les auspices de Jack Lang, le visage pluriel et coloré d'une nouvelle conception de la fraternité républicaine. Trente ans après, cette fête reste une énigme. Non seulement elle perdure, mais elle a pris racine dans près de 120 pays ! Même à New York, où on l'a longtemps boudée, elle est aujourd'hui devenue un must.
Les raisons d'un tel succès sont à rechercher à la fois dans son principe et dans ses objectifs. Sur le fond, la Fête a, malgré les vaines tentations politiques de la contrôler, réussi à conserver son caractère spontané, voire « libertaire ». Même si le ministère de la Culture en est le facilitateur, il n'intervient aucunement dans les choix artistiques. Ce sont, pour l'essentiel, les associations, les collectivités locales, les musiciens eux-mêmes qui en décident. Un site (www.fetedelamusique.culture.fr) sert seulement de plate-forme technique à la régulation générale, et ça marche.
Quant à ses finalités, la Fête incarne, le jour du solstice d'été, l'idée que les amateurs et les professionnels, les jeunes comme les moins jeunes, les spectateurs comme les musiciens, toutes les musiques sont sur un même pied d'égalité. Ils sont, d'après d'Insee, 79 % de Français à avoir participé à la Fête au moins une fois en tant que spectateurs ; un sur dix à y avoir joué ou chanté alors qu'en 2010, 1 700 000 jeunes Français pratiquent désormais un instrument. Et malgré les contraintes sécuritaires qui pèsent de plus en plus sur l'organisation de cet événement, des millions de gens sont et seront dans la rue, partout dans le monde au même moment. Peut-être est-ce tout simplement là la magie de cette fête...
(*) Auteur de 21 juin, le Sacre musical des français, au Seuil.
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