Sont-ils devenus fous pour massacrer de la sorte l’une de nos plus belles réussites collectives ?
La France championne du monde de football en 1998, ce ne fut pas seulement un exploit sportif hors du commun. Ce fut bien mieux que ça. Un moment de communion nationale autour d’une équipe qui avait sublimé l’image d’un pays fier de lui-même, promoteur d’une diversité dynamique et victorieuse.
On savait bien que cette exaltation black-blanc-beur ne pouvait, d’un coup, effacer toutes les difficultés, les incompréhensions, les tensions et les injustices d’une nation qui, déjà, s’interrogeait sur elle-même.
On savait bien qu’il y aurait des revers de fortune — et il y en eut en 2002 — mais ce succès était resté un acquis, une étoile scintillante dans notre imaginaire, comme celle du maillot des tricolores.
Cette petite lumière vacillante est en train d’être soufflée par la déflagration médiatique de l’incroyable affaire des quotas. C’est triste. Très triste. Mais ce n’est pas étonnant.
Car cette polémique n’est ni un accident, ni un hasard, ni une boulette. C’est une convulsion. Le résultat symptomatique de l’obsession politique entretenue depuis des mois et des mois sur la question de l’immigration et de l’identité nationale.
A force de remuer jour après jour les fantasmes et les peurs, à force de multiplier les discours sur les échecs de l’intégration et les dangers de l’hospitalité, on a fini par instiller le doute sur la réalité d’une société française pourtant multiraciale et multiculturelle depuis longtemps.
On a fait circuler le poison avec inconscience. Et c’est ainsi que les cadres d’une Fédération Française de Football en sont venus à réfléchir sérieusement aux méfaits de la double nationalité sur la sélection des futures élites du ballon rond. Qu’on en est venu à discourir sur les qualités physiques présupposées et le jeu musclé des joueurs noirs… Et que le sélectionneur se retrouve sur le banc des accusés. Un délire complet.
Car Laurent Blanc n’est pas raciste. C’est un homme compétent et estimable qui doit affronter aujourd’hui d’insupportables soupçons.
Mais, si on en juge par ses déclarations, il a été, c’est vrai, entraîné dans une réflexion inepte de café de commerce qui aurait dû être stoppée net.
Comment a-t-on pu, comme le soulignent justement Lilian Thuram et Patrick Vieira, envisager de discriminer des mômes de 12 ans au motif qu’ils pourraient être tentés d’aller, à leur majorité, jouer pour l’Algérie ou la Côte d’Ivoire ?
Le risque d’une perte sèche, est réel, c’est vrai, mais au lieu de calculer la France ne peut-elle pas, au contraire, l’assumer avec la générosité d’une très grande nation de football ?
Accepter le principe de la double identité d’une partie de ses enfants, et la voir comme une richesse, ce serait le message d’un pays fort et sûr de lui, à la hauteur de la magie de 1998, et des devoirs qu’elle impose. (Lire aussi en cahier Sports)
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