samedi 7 mai 2011
8 mai 1945 : la paix, 9 mai 1950 : l'Europe
Voici de nouveau venue la commémoration des souvenirs, glorieux sans doute, mais douloureux aussi. Le 8 mai 1945, la guerre se terminait en Europe. Grâce aux sacrifices de centaines de milliers de combattants, le totalitarisme nazi était abattu. La paix revenait, mais sur d'effroyables décombres. On allait reconstruire, mais pas seulement matériellement.
Très vite naquit la volonté d'éviter le retour de pareils affrontements et jaillit l'idée de la Communauté européenne qui allait cheminer dans les esprits, puis dans les réalités. Ainsi, était lancée, le 9 mai 1950, la fondation de cette Europe alors encore timide et amputée de près de moitié par un autre totalitarisme qui allait nous plonger dans une interminable guerre froide. Il faudra attendre les années 1990 pour retrouver les frères de l'Est et les associer à cet avènement extraordinaire d'une communauté humaine de plusieurs centaines de millions de personnes que ne sépareraient plus les multiples barrières des frontières.
Au début, il s'agissait de bâtir une communauté, ce qui est beaucoup plus qu'une union. Il est regrettable que cette première appellation ait quasiment disparu. En effet, une Union européenne telle qu'elle est vue aujourd'hui consiste en une sorte de rapprochement des nations, mais celles-ci ont toujours tendance à se singulariser comme si elles devaient d'abord défendre les intérêts de leurs ressortissants.
Dans une communauté, sans négliger bien au contraire les intérêts des membres, c'est d'abord l'intérêt de tous, l'intérêt global qui est considéré, car c'est la meilleure manière de favoriser en définitive l'intérêt de chacun. Cela confère à la communauté en question une intensité beaucoup plus importante, avec tout ce qui en découle : prestige, efficacité, capacité d'agir dans le monde.
Une communautéplus efficace
C'est aussi un exemple plus radical qui pourrait donc inspirer utilement d'autres groupes de pays, notamment en Afrique, au Moyen-Orient, surtout en ces temps de recomposition. C'est ainsi que le prince Hassan de Jordanie, oncle du roi Abdallah, pionnier du dialogue entre les religions et les pays, estime que « nous (pays arabes) devrions créer une communauté pour l'eau, l'énergie et l'environnement, l'équivalent arabe de la Ceca de Robert Schuman et de Jean Monnet, faute de quoi les appareils militaro-sécuritaires pourraient être tentés d'intervenir pour prévenir l'anarchie... Si on veut éviter la guerre, cela commence par la création d'une communauté régionale pour traiter les problèmes communs, créer des emplois, réduire la pauvreté » (1).
C'est cette communauté européenne qui pourrait agir de façon bien plus adaptée pour traiter les considérables problèmes de migrations, par exemple, qui se posent aujourd'hui et vont se poser dans les mois et les années qui viennent avec beaucoup plus d'acuité encore. Au lieu de cela, malgré quelques essais timides, on assiste à une regrettable attitude de repli de certains pays derrière leurs petites frontières, ce qui est le contraire de la communauté. Il est grand temps de se ressaisir et d'envisager ces questions globalement pour mieux les résoudre dès aujourd'hui et mieux préparer les solutions de demain.
C'est l'Europe en tant qu'Europe, par exemple, qui devrait oeuvrer puissamment en faveur du développement indispensable de ces pays d'où partent les migrants et qui actuellement cherchent leur voie. Ils pourraient ainsi freiner les migrations. L'Europe communauté aurait une plus grande efficacité que chaque nation européenne individuellement. Une telle action, coordonnant les efforts de tous les Européens, serait aussi un moyen de relancer l'Europe elle-même.Quoiqu'il en soit, réjouissons-nous que, depuis soixante-six ans, deux tiers de siècle, il n'y ait plus eu de conflits aussi graves que ceux que notre continent a subi en soixante-quinze ans, de 1870 à 1945. Nous savons que nous devons cela à cette Europe que la paix et la fraternité nous imposent de réussir.
(1) La Croix, 6 mai 2011
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