La ministre française n'est toujours pas officiellement candidate à la succession de Dominique Strauss-Kahn.
Plus que jamais, le nom de Christine Lagarde se détache. Déjà encouragée par Rome, Berlin, Vienne ou Luxembourg, la ministre française de l'Économie dispose depuis ce week-end du soutien de Londres. Soutien crucial, mais qui n'allait pas de soi, à lire la presse anglo-saxonne, assez hostile. Personne en Europe ne semble, de toute façon, avoir d'autre candidat à proposer. Le ministre belge des Finances a bien évoqué sa propre personne, dimanche. «Ce sont des fonctions qui ne se refusent pas», a déclaré Didier Reynders… tout en louant les qualités de Christine Lagarde et en reconnaissant qu'elle était favorite.
Désaccord parmi les pays émergents
Les pays de l'UE représentent 35,6 % des droits de vote au conseil du FMI. Il suffit donc que les États-Unis (16,8 %) et le Japon (6,25 %) se rangent à leur candidat pour que l'affaire soit pliée. En face, si le Mexique, le Brésil, l'Inde, la Russie, la Chine ou d'autres pays émergents déplorent le maintien de fait du monopole du Vieux Continent sur le poste, ils sont incapables de s'entendre sur un choix commun - le Congo soutient même la ministre française.Paradoxe, la France n'a toujours pas officiellement proposé la candidature de sa ministre ! L'Élysée et Matignon restent muets. «Christine Lagarde a toutes les qualités pour être un excellent directeur général du FMI», a assuré Claude Guéant dimanche. Mais le ministre de l'Intérieur se contente de noter «que beaucoup de pays la soutiennent publiquement». Cette prudence peut s'expliquer par le calendrier posé par le FMI, qui pourrait s'avérer «piégeux». Une commission de trois magistrats doit décider dans un bon mois - donc après la date limite de dépôt des candidatures - de saisir ou non la Cour de justice de la République au sujet de l'intervention de Christine Lagarde dans «l'affaire Tapie». Si la réponse est positive et intervient après sa désignation officielle comme candidate des Européens, on imagine leur embarras et celui du conseil d'administration… Du coup - autre paradoxe - c'est de l'opposition que Christine Lagarde a reçu son soutien français le plus explicite : «Si l'Europe peut avoir ce poste et si une Française peut l'obtenir, cela serait une très bonne chose», a dit Martine Aubry. Et la patronne du PS d'ajouter : «Mme Lagarde, au-delà des divergences que l'on peut avoir (…), est une femme respectable.» Le Trésor américain va, comme d'habitude, jouer les faiseurs de roi. Il se contente de plaider pour un «processus rapide, mais ouvert, transparent et basé sur le mérite». Façon de dire que la tradition qui veut que le patron du FMI soit européen ne doit pas primer. Les Européens se sont d'ailleurs gardés d'avancer cette raison, vantant plutôt les qualités de Christine Lagarde. Le chancelier de l'Échiquier britannique, George Osborne, a ajouté un argument inédit : «Ce serait une très bonne chose qu'elle soit la première femme à la direction du FMI en soixante ans.»
Des inquiétudes demeurent
Pourtant, dans la réalité, les considérations nationales l'emportent de façon frappante sur les questions de fond : que veut-on faire du FMI ? En quoi l'institution doit-elle changer son approche de la gestion de la crise, notamment dans la zone euro ? Le plan de l'UE et du FMI en Grèce ne donne pas tous les résultats prévus, comment faut-il le modifier ? Sur ces interrogations, Christine Lagarde reste muette, puisque «non-candidate», et ses soutiens n'en disent pas davantage. Ce qui déstabilise employés du FMI et observateurs extérieurs.Autre inquiétude, exprimée par Mohammed el-Erian, gérant du plus grand fonds obligataire du monde, Pimco, qui couvre pourtant Christine Lagarde d'éloges pour son expérience et ses talents de diplomate : sa nomination soutiendrait l'idée selon laquelle la gravité systémique de la crise de l'euro rend indispensable la présence d'un Européen à la tête du FMI. «Cette opinion n'a jamais été avancée lorsque l'épicentre des crises était en Asie ou en Amérique latine», rappelle cet ancien du FMI. Certains pays émergents - tout comme la Suisse, publiquement, dimanche - assurent au contraire que le Fonds serait plus crédible s'il était dirigé par un non-Européen, qui n'a pas participé à l'élaboration des plans de sauvetage de la Grèce, de l'Irlande et du Portugal depuis un an.
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