Il est des succès qui retentissent comme des échecs. La victoire annoncée de Paul Kagame à l’élection présidentielle qui se déroule lundi 9 août au Rwanda symbolise l’absence de démocratisation de son pays. Aucune opposition crédible n’a en effet pu s’exprimer durant la campagne électorale. L’appareil d’État était aux ordres du parti au pouvoir et de nombreux dissidents ont été neutralisés.
Le bilan de Paul Kagame, l’homme fort du pays depuis seize ans, peut certes lui valoir un plébiscite dans les urnes. Il est l’un des artisans de la reconstruction du Rwanda, qui avait été vidé par le génocide de 1994 et la fuite consécutive de centaines de milliers d’habitants craignant des représailles. Malgré le terrible traumatisme subi, le pays connaît un développement économique certain. La paix s’est installée, la guerre ayant été exportée sur le territoire voisin de la République démocratique du Congo. Le régime est souvent cité en exemple pour sa lutte contre la corruption, la promotion des femmes ou l’attention à l’environnement. Et pourtant. Le système autoritaire qui sévit aujourd’hui traduit la préservation d’intérêts de plus en plus concentrés au faîte du pouvoir et alimentés par des activités douteuses en RD-Congo.
Pour les pays occidentaux, la qualité des relations à entretenir avec le régime se pose. Paul Kagame bénéficie d’un soutien actif des pays anglo-saxons et compte toujours parmi ses amis l’ancien président américain Bill Clinton et l’ancien premier ministre britannique Tony Blair, qui l’auréolent du prestige d’un « libérateur » – il apparaît ainsi que ce n’est pas un privilège français de soutenir en Afrique des personnalités peu recommandables. Paris, de son côté, a des difficultés à tenir une partition autonome dans la région des grands lacs africains. Quant à l’Union européenne, elle a joué aux abonnés absents le temps de l’élection, en n’envoyant pas d’observateurs. Acteur incontournable, Paul Kagame pourrait pourtant être mis au défi, par les démocraties occidentales, d’instaurer une véritable liberté d’expression et d’accepter le développement d’une société civile dynamique et indépendante.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire