C'est un jugement de Salomon que voulait rendre la Cour internationale de Justice sur le Kosovo. Son avis consultatif présenté en une longue lecture est émaillé de nuances qui feront sans doute les délices des juristes spécialisés. Mais l'opinion publique, surtout dans les Balkans, ne retiendra qu'une phrase : « La déclaration d'indépendance du Kosovo (en 2008) ne viole pas le droit international ». En d'autres termes, elle est conforme.
Même non contraignant, ce jugement aura une immense portée. Il place le droit des peuples à disposer d'eux mêmes devant un autre principe onusien, celui de l'intégrité territoriale des États. Ce qui fait dire aux ministre serbe des Affaires étrangères que désormais plus aucun pays ne sera « sûr de ses frontières », surtout quand l'indépendantisme est encouragé par des puissances étrangères. Des propos exagérés, traduisant l'amertume de Belgrade et faisant fi des souffrances infligées aux Kosovars sous l'ère Milosevic.
Il est vrai qu'après les nettoyages ethniques des années 1995-1998, il paraissait difficile, voire impossible, pour cette région albanophone de revivre en union avec la Serbie, même devenue démocratique et débarrassée de ses vieux démons. Cependant, une solution autre que l'éclatement des Balkans orientaux en micro-États aurait été préférable sous l'égide européenne. Malheureusement, l'Europe n'a jamais fait preuve de courage politique en ex-Yougoslavie, et depuis les guerres civiles de 1991.
Avec le jugement de La Haye resurgit toute cette problématique balkanique. Ainsi, de quel droit va-t-on maintenant interdire aux enclaves serbes du Kosovo de ne pas se déclarer « indépendantes » dans un premier temps ? Déjà, elles ont leurs institutions parallèles alignées sur Belgrade. Et ce qui vaut pour les Serbes du Kosovo vaut aussi pour les Serbes de Bosnie-Herzégovine ou les Albanais de Macédoine. La boîte de Pandore est de nouveau grande ouverte. Pas seulement en ex-Yougoslavie. C'est en toute conscience qu'un pays comme l'Espagne confrontée aux indépendantismes basque et catalan n'a jamais voulu reconnaître le Kosovo...
Très étrange est aussi l'attitude américaine. Le verdict de La Haye à peine tombé, Washington a prié ses alliés européens de tenir compte du jugement. Sans doute pour que le Kosovo devienne vraiment un État internationalement reconnu, et il le sera seulement s'il atteint la majorité à l'Assemblée générale de l'ONU. Car pour l'instant, ce petit pays grand comme l'Alsace, avec un taux de chômage de 50% et une économie mafieuse reste ce que, sous d'autres latitudes, on appellerait une « république bananière ». Ou une base avancée des États-Unis en Europe, aux infrastructures naissantes financées par l'UE quand l'argent n'est pas détourné... Les Européens n'ont pas fini de payer leur inaction en ex-Yougoslavie.
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