Il y avait quelque chose d'ambigu au défilé des Champs Élysées. Non pas en raison de la présence de troupes africaines aux uniformes chamarrés. Elles sont les bienvenues, héritières de la « Force Noire » sans laquelle, et sans les soldats du Maghreb, la France aurait fait très piètre figure durant la seconde guerre mondiale. Mais entendre devant la tribune présidentielle la vieille marche coloniale du « chant des Africains » était superflu. Même si ce chant fait partie du folklore militaire, il ne rappelle pas des souvenirs heureux à tous. Certainement pas à ces dizaines de milliers de « tirailleurs sénégalais » (l'appellation de tous les soldats « indigènes »), souvent des « Malgré nous ».
L'ambiguïté est plus générale. Elle marque sans doute à jamais les relations entre la France et ses anciennes colonies. Elle s'exprime dans un curieux amalgame qui mêle le complexe du colonisé à la nostalgie française de la grandeur perdue (si, si..) avec, côté africain, une dose d'admiration qui ne fait pourtant pas oublier des décennies d'exploitation. Sans oublier, dans l'ancienne Métropole, un paternalisme inavoué accroché à son « pré carré ». Sans oublier également, chez les jeunes générations africaines, le rejet d'une époque dont restent des scories sous la forme de régimes autoritaires, voire dictatoriaux, en leur temps mis en place avec la complicité active de Paris. Ils survivent, sous d'autres leaders, grâce à une complicité tacite au nom d'une « Françafrique » toujours dénoncée mais toujours vivante.
Pourtant, réalisme politique oblige, la France doit garder une place librement acceptée par les Africains. Un désengagement français crée un vide rapidement comblé par d'autres. Ainsi, environ 100 000 Français, binationaux et couples mixtes compris, résident encore dans l'ex-AOF et dans l'ex-AEF. Et déjà 300 000 à 500 000 Chinois travaillant dans le BTP, dans l'exploitation du sous-sol... ou dans la contrefaçon textile et même mécanique (au Cameroun, une entreprise chinoise fabrique des motocyclettes très « japonaises »).
Le rôle de la France, dans ses anciennes possessions, n'est plus celui du « grand frère ». Mais de coopérer à tous les niveaux pour enfin préparer ces pays à un vrai avenir démocratique et économique. Peut-être au centième anniversaire de leur indépendance... qui ne sera certainement plus célébré à Paris au rythme du « chant des Africains ».
Reste à balayer quelques contradictions bien françaises. Par exemple, prêcher la francophonie et fermer ses frontières aux francophones. Ou n'octroyer des visas qu'au compte-gouttes aux étudiants vite tentés par les Etats-Unis ou le Canada. A la France de comprendre que le futur ne repose pas uniquement sur le passé !
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