Ancien directeur général des Affaires économiques et monétaires à la Commission européenne, Klaus Regling a longtemps travaillé au ministère allemand des Finances. Il a exercé de nombreuses responsabilités au Fonds monétaire international (FMI), à la B anque européenne de reconstruction et de développement (BERD) et à la Banque européenne d'investissement (BEI). Le 1 er juillet, il a pris la tête du Fonds européen de stabilisation financière (FESF) qui a pour objectif de soutenir tout pays de la zone euro qui fait face à des difficultés financières.
La note de la dette souveraine du Portugal vient d'être dégradée par Moody's, signe que la situation de ce pays continue de se détériorer. Le Portugal pourrait-il être le premier pays à bénéficier des prêts du Fonds européen que vous dirigez ?
Je n'en sais rien. Je constate simplement que les marchés financiers sont devenus plus calmes ces dernières semaines, depuis que les ministres des Finances européens ont décidé de mettre sur pied ce fonds de stabilisation. L'idée générale est que la capacité financière du Fonds européen de stabilisation financière (FESF) ne sera pas utilisée.
L'Espagne et le Portugal font face à d'importantes échéances de remboursement de leur dette. Pensez-vous que ces deux pays pourront surmonter ce difficile passage ?
La semaine dernière, l'Espagne a testé les marchés avec succès. Je vois que les investisseurs asiatiques sont revenus acheter des obligations européennes. Par ailleurs, la Grèce a réussi à émettre des titres mardi. Tout indique que la situation se normalise. Le Fonds de stabilisation est d'abord là pour rassurer les investisseurs et montrer aux marchés et au monde que nous sommes prêts à intervenir au cas où un pays en éprouverait le besoin. On ne sait pas de quoi l'avenir sera fait. Nous serons totalement opérationnels d'ici à la fin du mois de juillet.
Comment se déroulera le déclenchement de l'aide financière à un pays en difficulté ? Le processus sera-t-il transparent ?
Tout commencera par une demande formelle du pays en difficulté. Puis, une équipe composée de la Commission européenne, de la Banque centrale européenne et du FMI se rendra sur place, comme cela s'est produit il y quelques mois pour la Grèce. Les négociations dureront deux semaines et ces experts détermineront les besoins financiers de ce pays pour les trois prochaines années et les conditionnalités de ce prêt. Ensuite l'Eurogroupe devra donner son aval, ce qui prendra environ trois semaines. A ce moment-là seulement, l'argent sera levé au nom du FESF. Il sera ensuite versé sur un compte ouvert auprès de la Banque centrale européenne puis confié au pays concerné.
Est-ce que les banques pourront bénéficier du Fonds ?
Seuls les Etats sont habilités à faire une demande auprès du FESF. Mais un pays peut décider de demander une aide pour différentes raisons et il est possible qu'une part des fonds soient utilisés pour recapitaliser le système bancaire. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé en Grèce : sur les 110 milliards d'euros alloués, 10 milliards, soit 10 %, ont été alloués au système financier. Cet exemple pourrait être reproduit pour d'autres.
Le FESF veut rester une structure de taille réduite. Comment va-t-il pouvoir fonctionner efficacement ?
Le Fonds va s'appuyer sur deux institutions existantes : l'agence en charge de la dette allemande (la « Finanzagentur ») et la Banque européenne d'investissement (BEI). La première va assurer les procédures de levées de dette pour le compte du FESF, exactement comme elle le fait pour l'Etat allemand. Le marché saura pour quel pays on lève des fonds, dans la mesure où celui-ci aura au préalable reçu le feu vert politique de l'Eurogroupe. La BEI sera, elle, chargée du back-office. L'engagement de ces deux institutions permet de pouvoir intervenir rapide-ment et élimine le risque opérationnel.
Pensez-vous que le Fonds va obtenir la meilleure note (AAA) de la part des agences de notation ?
Les discussions sont en cours avec les agences. Nous espérons effectivement obtenir une note AAA, même si seulement 60 % du capital est détenu par les pays qui sont très bien notés. Nous mettons en avant trois points forts : tout d'abord, nous prévoyons que la garantie couvre jusqu'à 120 % de la valeur des obligations émises. D'autre part, une poche de liquidité complémentaire relativement conséquente est prévue. Ces réserves proviendront des pénalités qu'on appliquera aux Etats demandeurs par rapport au taux auquel le Fonds emprunte. Dans le cas grec, le taux de pénalité est d'environ 300 points de base. Enfin, dernier argument, les Etats sont explicitement engagés dans ce mécanisme. La volonté politique est l'un des critères pris en compte par les agences de notation.
jeudi 15 juillet 2010
« Tout indique que la situation se normalise en Europe »
Propos recueillis par Catherine Chatignoux et Isabelle Couet
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