C'est plus « pour quoi faire ? » que « combien ? », et moins une question de nombre que de sens. En mobilisant près de deux millions de personnes, les syndicats ont réussi leur pari mais ils n'ont pas, pour le moment, les moyens de faire sauter la banque comme ils l'avaient fait en décembre 1995. La démonstration de force d'hier après-midi reste une victoire sans lendemain parce qu'elle n'a aucune chance, cette fois, d'atteindre son objectif : le retrait de la réforme des retraites. Sur cette séquence-là, le gouvernement a un coup d'avance. Il avait prévu l'affluence dans la rue qu'Éric Woerth, fair play, s'est payé le luxe de qualifier de « plutôt importante ». Une formule en guise de bande annonce. Car aujourd'hui le Premier ministre François Fillon va ramasser la mise, prendre de la hauteur et annoncer que oui, il va prendre en compte les inquiétudes des Français et peut-être lâcher un peu de lest... tout en gardant le cap. En minant le moral du pays, les tribulations de l'équipe de France ne lui facilitent pas la tâche mais il garde la main. Il a le temps. Le vrai rendez-vous, ce n'était pas ce 24 juin mais le 7 septembre quand le texte arrivera devant l'Assemblée nationale. Le gouvernement pourra alors utiliser les fenêtres de tir que lui offrira la discussion des amendements pour faire des concessions sur les carrières commencées avant 18 ans - jusqu'à maintenir la possibilité de partir à 60 ans dans ces cas particuliers - ou avancer sur la question de la pénibilité, volontairement laissée en friche jusque-là. Avec une bonne maîtrise du calendrier, la stratégie gouvernementale est habile et sans doute efficace, mais elle a les limites de l'inconnu. Si les sondages ont montré que les Français sont beaucoup moins hostiles qu'on ne le croyait au report de l'âge légal de la retraite à 62 ans, ils restent vent debout contre le recul de 65 à 67 ans du seuil pour bénéficier d'une retraite pleine, sans décote. Une disposition qui pénalise un électorat décisif en 2012 : les femmes... A ce handicap s'ajoute la dimension psychologique, insaisissable, résistante à la pédagogie de la démographie. Les Français ne sont toujours pas convaincus que la réforme qu'on leur propose est juste ! Quant au nouveau positionnement, moins dogmatique, adopté par Martine Aubry hier soir au 20h00, il rend aussi moins facile la ringardisation de l'opposition. Décidément brouillé par les non-dits, ce grand débat de la société française est désormais parasité par les polémiques sur les avantages indus des élites politiques, soupçonnées de demander des efforts qu'elles ne s'imposent pas à elles-mêmes. De la capacité du gouvernement et du chef de l'État à dépasser ce scepticisme dépend le succès ou l'échec de la réforme la plus importante du quinquennat.
vendredi 25 juin 2010
Tour de chauffe
C'est plus « pour quoi faire ? » que « combien ? », et moins une question de nombre que de sens. En mobilisant près de deux millions de personnes, les syndicats ont réussi leur pari mais ils n'ont pas, pour le moment, les moyens de faire sauter la banque comme ils l'avaient fait en décembre 1995. La démonstration de force d'hier après-midi reste une victoire sans lendemain parce qu'elle n'a aucune chance, cette fois, d'atteindre son objectif : le retrait de la réforme des retraites. Sur cette séquence-là, le gouvernement a un coup d'avance. Il avait prévu l'affluence dans la rue qu'Éric Woerth, fair play, s'est payé le luxe de qualifier de « plutôt importante ». Une formule en guise de bande annonce. Car aujourd'hui le Premier ministre François Fillon va ramasser la mise, prendre de la hauteur et annoncer que oui, il va prendre en compte les inquiétudes des Français et peut-être lâcher un peu de lest... tout en gardant le cap. En minant le moral du pays, les tribulations de l'équipe de France ne lui facilitent pas la tâche mais il garde la main. Il a le temps. Le vrai rendez-vous, ce n'était pas ce 24 juin mais le 7 septembre quand le texte arrivera devant l'Assemblée nationale. Le gouvernement pourra alors utiliser les fenêtres de tir que lui offrira la discussion des amendements pour faire des concessions sur les carrières commencées avant 18 ans - jusqu'à maintenir la possibilité de partir à 60 ans dans ces cas particuliers - ou avancer sur la question de la pénibilité, volontairement laissée en friche jusque-là. Avec une bonne maîtrise du calendrier, la stratégie gouvernementale est habile et sans doute efficace, mais elle a les limites de l'inconnu. Si les sondages ont montré que les Français sont beaucoup moins hostiles qu'on ne le croyait au report de l'âge légal de la retraite à 62 ans, ils restent vent debout contre le recul de 65 à 67 ans du seuil pour bénéficier d'une retraite pleine, sans décote. Une disposition qui pénalise un électorat décisif en 2012 : les femmes... A ce handicap s'ajoute la dimension psychologique, insaisissable, résistante à la pédagogie de la démographie. Les Français ne sont toujours pas convaincus que la réforme qu'on leur propose est juste ! Quant au nouveau positionnement, moins dogmatique, adopté par Martine Aubry hier soir au 20h00, il rend aussi moins facile la ringardisation de l'opposition. Décidément brouillé par les non-dits, ce grand débat de la société française est désormais parasité par les polémiques sur les avantages indus des élites politiques, soupçonnées de demander des efforts qu'elles ne s'imposent pas à elles-mêmes. De la capacité du gouvernement et du chef de l'État à dépasser ce scepticisme dépend le succès ou l'échec de la réforme la plus importante du quinquennat.
C'est plus « pour quoi faire ? » que « combien ? », et moins une question de nombre que de sens. En mobilisant près de deux millions de personnes, les syndicats ont réussi leur pari mais ils n'ont pas, pour le moment, les moyens de faire sauter la banque comme ils l'avaient fait en décembre 1995. La démonstration de force d'hier après-midi reste une victoire sans lendemain parce qu'elle n'a aucune chance, cette fois, d'atteindre son objectif : le retrait de la réforme des retraites. Sur cette séquence-là, le gouvernement a un coup d'avance. Il avait prévu l'affluence dans la rue qu'Éric Woerth, fair play, s'est payé le luxe de qualifier de « plutôt importante ». Une formule en guise de bande annonce. Car aujourd'hui le Premier ministre François Fillon va ramasser la mise, prendre de la hauteur et annoncer que oui, il va prendre en compte les inquiétudes des Français et peut-être lâcher un peu de lest... tout en gardant le cap. En minant le moral du pays, les tribulations de l'équipe de France ne lui facilitent pas la tâche mais il garde la main. Il a le temps. Le vrai rendez-vous, ce n'était pas ce 24 juin mais le 7 septembre quand le texte arrivera devant l'Assemblée nationale. Le gouvernement pourra alors utiliser les fenêtres de tir que lui offrira la discussion des amendements pour faire des concessions sur les carrières commencées avant 18 ans - jusqu'à maintenir la possibilité de partir à 60 ans dans ces cas particuliers - ou avancer sur la question de la pénibilité, volontairement laissée en friche jusque-là. Avec une bonne maîtrise du calendrier, la stratégie gouvernementale est habile et sans doute efficace, mais elle a les limites de l'inconnu. Si les sondages ont montré que les Français sont beaucoup moins hostiles qu'on ne le croyait au report de l'âge légal de la retraite à 62 ans, ils restent vent debout contre le recul de 65 à 67 ans du seuil pour bénéficier d'une retraite pleine, sans décote. Une disposition qui pénalise un électorat décisif en 2012 : les femmes... A ce handicap s'ajoute la dimension psychologique, insaisissable, résistante à la pédagogie de la démographie. Les Français ne sont toujours pas convaincus que la réforme qu'on leur propose est juste ! Quant au nouveau positionnement, moins dogmatique, adopté par Martine Aubry hier soir au 20h00, il rend aussi moins facile la ringardisation de l'opposition. Décidément brouillé par les non-dits, ce grand débat de la société française est désormais parasité par les polémiques sur les avantages indus des élites politiques, soupçonnées de demander des efforts qu'elles ne s'imposent pas à elles-mêmes. De la capacité du gouvernement et du chef de l'État à dépasser ce scepticisme dépend le succès ou l'échec de la réforme la plus importante du quinquennat.
Olivier Picard
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