Si le courage réformateur se mesure à l'ampleur des oppositions qu'il suscite, Nicolas Sarkozy a sans doute décroché, hier, un vrai certificat de bravoure. Malgré un vent estival démobilisateur, sa réforme des retraites a fini par provoquer un vrai raz de marée de mécontents, issu de trois sources convergentes.
- L'inquiétude sourde qui mine encore une bonne partie de l'opinion, avec le spectre de l'austérité qui fait le tour de l'Europe et se rapproche de la France de jour en jour.
- L'unité syndicale qui fonctionne efficacement autour de l'axe CGT-CFDT, en ramenant progressivement les brebis égarées dans le giron unitaire : CFTC, FO, CGC.
- Le rôle particulier et moteur de la CFDT, qui veut solder ses avatars de 2003 ¯ son soutien coûteux à la réforme Fillon ¯ et son image de syndicat réformiste trop accommodant.
L'adversité n'est pas foncièrement pour déplaire à Nicolas Sarkozy qui aime bien, on le sait, adopter la posture de Bonaparte franchissant le pont d'Arcole. Sous la mitraille. Elle lui permet de ressouder son camp en temps opportun ¯ à l'amorce d'une bataille électorale décisive ¯ et autour d'un projet politique lourd et emblématique. Avec une réforme des retraites menée contre vents et marées contestataires, il pourrait tenir un brevet majeur de volontarisme avéré, et un étendard de campagne déterminant sur le terrain de la réforme qui a été son atout gagnant en 2007.
On n'en est pas là. Car l'ampleur de la démonstration syndicale et sa diversité ¯ privé-public, jeunes-vieux, hommes-femmes, actifs-chômeurs ¯ vont sans doute contraindre le Président à sortir du bois, du silence, du statu quo. Il serait pour le moins paradoxal et singulièrement critiquable qu'il donne l'impression de plus s'intéresser au mauvais feuilleton de l'équipe de France de football qu'au sort promis à des millions de retraités.
Il ne pourra plus très longtemps s'abriter derrière un ministre du Travail critiqué. Il lui appartient de porter enfin en première ligne une réforme absolument nécessaire, mais qui peine à convaincre quand on la passe au scanner de l'équité. Nicolas Sarkozy a laissé entrouvertes deux ou trois portes de sortie : la pénibilité, l'âge de la retraite à taux plein, les carrières longues. Il en aura bien besoin pour tenter d'apaiser la grogne syndicale, à défaut d'obtenir leur aval. Impensable depuis les pépins de la CFDT, en 2003.
Et encore sera-t-il loin d'être au bout de ses peines. Dans sa sagesse un peu rugueuse, la Cour des Comptes vient de lui rappeler une vérité élémentaire. À savoir que la réforme envisagée ne répond pas à l'exigence d'un rétablissement financier rapide. Pis, Didier Migaud, le socialiste qui dirige désormais l'institution, estime que le chantier des retraites n'est qu'un morceau dans le puzzle des déficits publics à combler d'urgence. Bref, qu'il est temps, à défaut de pouvoir compter sur une croissance vigoureuse, de prendre des mesures radicales, donc impopulaires : augmenter les impôts, geler la paie des fonctionnaires, restreindre le remboursement des médicaments... Faute de quoi les emprunts étatiques pour régler la dette, et une partie des dépenses courantes deviendront insoutenables. Nicolas Sarkozy a du mouron à se faire. Face à des obstacles grandissants, il n'a plus de vraie marge de manoeuvre.
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