Que feras-tu de ta chance, bienheureux PS, born again de la crise qui se fabrique un projet pour de vrai, plus jouer mais gouverner, puisque c’est redevenu possible? Mardi dernier, il y avait dans le rituel éternel de ce vieux parti – un bureau national pour valider des textes pour préparer une convention – quelque chose de plus grave. Le réel revenait, un réel désirable, d’une gauche qui serait à nouveau aimable.C’est une gageure, quand on rappelle le passé.
Comment le "changer la vie" de 1981 devint dans la rancœur publique le "socialisme des R25", une ploutocratie rose, une république de camarades planqués dans des conseils d’administration, socialistes d’industrie se délectant de l’apprentissage des codes des patrons, jusqu’à devenir les meilleurs des privatiseurs, tandis qu’un président malade, trop vieilli et ayant tant vécu, faisait oublier par son charme qu’il avait été pétainiste et philosophait sur la mort, la sienne ou celle de l’espérance… Comment le jospinisme de 1997, inventé pour conjurer la dégénérescence mitterrandienne, fut rejeté comme une tiédeur incapable de changer le cours du capitalisme, un alliage de vieilles lunes – les 35 heures – et d’un refus du temps, un non-choix, ni libéral ni altermondialiste, et la tiédeur fut finalement vomie dans la division, et la grande peur du lepénisme. Et tout cela, sous Tonton comme sous Lionel,sans jamais empêcher la course à la financiarisation du monde, comme les ancêtres n’avaient pas su empêcher la grande boucherie de 14. Cela pour rappeler que les décadences ou les impuissances des pouvoirs n’ont pas été inventées avec Nicolas Sarkozy.
Et les socialistes auraient tort d’oublier ce qu’ils furent. Ils prétendent retrouver les vertus de l’action publique, redistribuer par l’impôt, relancer l’industrie? On ne doutera pas de l’envie, mais on peut s’interroger sur la légitimité des marques.
Si l’on excepte les jeunes-turcs – un Guillaume Bachelay, secrétaire national à l’industrie, partisan d’un protectionnisme européen jusqu’ici hérétique dans la pensée rose – ou un vieux réfractaire – Henri Emmanuelli, éternel vaincu des arbitrages raisonnables –, tous les socialistes, autour d’Aubry et elle y compris (et Fabius, et DSK, et Hollande), ont prêté un moment la main au social-libéralisme aujourd’hui honni, ont regardé vers Blair et ses arabesques, et communié dans l’amour du marché… Avant d’en revenir, bien sûr, chacun à son rythme, et se retrouver, tous sociaux-démocrates concrets, à l’heure où la crise a donné raison à la vieille doctrine délaissée. Ce sont les mêmes, et pourtant pardonnés?
Les mêmes et pourtant changés, bénéficiaires d’une rente de situation politique qu’ils devraient considérer, modestement. Qui devraient s’imprégner de leur chance et se demander comment la mériter, quand ils gravent leurs nouvelles tables de la loi.
Claude Askolovitch
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