Vengeance des « veuves noires », ces femmes tchétchènes dont les maris ou fils ont été tués par les Russes ? Attentats suicide sur ordre de l'« émir » autoproclamé du Caucase-Nord, Douko Oumarov , qui avait annoncé des attaques de kamikazes ? Ou, plus prosaïquement, actes terroristes à attribuer à la nébuleuse islamiste ? Aux « salafistes », selon Moscou.
Toutes les pistes se confondent, même si toutes mènent au Caucase-Nord. En Tchétchénie d'abord, également en Ingouchie et au Daghestan, ces républiques autonomes qui rassemblent des dizaines de peuples aux langues et croyances différentes mais surtout soumis aux lois de leurs clans respectifs. Avec, comme si la situation n'était pas déjà assez compliquée, des Russes au sein de cette mosaïque ethnique : soit les descendants des cosaques dépêchés par les tsars pour coloniser et « slaviser » ces terres, soit des déplacés de l'ère soviétique.
Car l'effervescence dans le Caucase n'est pas nouvelle. Après l'ouverture de la Russie à partir de 1991, l'Occident ne semble retenir que la sanglante (dernière ?) guerre en Tchétchénie, à la fois rébellion contre Moscou et guerre civile tchétchène. C'est oublier la répression communiste menée par le NKVD jusqu'aux « trains de la mort » de Staline déportant en Sibérie tout le peuple tchétchène dans des conditions effroyables. Et avant les Soviétiques, les cosaques du tsar ne s'étaient pas comportés autrement... Toujours hésitante entre compromis, alliances et trahisons, pour encourager des pouvoirs locaux fantoches comme Kadarov à Grozny, la Russie n'a jamais su intégrer ses provinces du Caucase.
Mais ce qui paraît nouveau est l'islam intégriste et son culte des « martyrs » auquel se réfère aujourd'hui cette rébellion au moins bicentenaire. Or les musulmans représentent un cinquième de la population en Fédération de Russie et « règnent » notamment au Tatarstan, une prospère république autonome économiquement incontournable ! Une dérive islamiste généralisée figure parmi les hantises de Moscou.
Voilà pourquoi, fort habilement, le Kremlin a su transformer la répression en Tchétchénie et ailleurs en cause commune avec l'Occident. En « croisade » contre le même ennemi que combattent les Américains et leurs alliés de l'OTAN en Afghanistan. L'opération semble réussie puisque plus personne, hormis au Conseil de l'Europe, ne dénonce les constantes violations des droits de l'homme au Caucase russe...
Voilà pourquoi aussi, malgré les nombreuses victimes du double attentat de Moscou, le bilan géopolitique sera plutôt positif pour le pouvoir en place. Qu'il s'agisse de Dmitri Medvedev ou de Vladimir Poutine, peut-être concurrents à la présidentielle de 2012 mais unis dans la même « realpolitik ».
Jean-Claude Kiefer
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