D'après un universitaire allemand, le philosophe français n'est pas mort d'une pneumonie, mais aurait été assassiné par un prêtre, à l'aide d'une hostie empoisonnée. Une théorie controversée.
L'affaire a tout d'une intrigue shakespearienne : le philosophe français René Descartes ne serait pas mort de maladie, mais aurait bel et bien été assassiné. C'est du moins la théorie exposée par l'universitaire allemand Theodor Ebert dans son ouvrage, Der rätselhafte Tod des René Descartes (La mort mystérieuse de René Descartes, non traduit). Officiellement, Descartes serait mort d'une pneumonie. Invité en 1650 à Stockholm par la reine de Suède, il aurait mal supporté le fait de devoir lui prodiguer des leçons tous les matins à cinq heures dans une pièce glacée. Mais pour Ebert, la vérité est toute autre. Le philosophe aurait été empoisonné par un prêtre catholique français, au moyen d'une hostie contenant une dose mortelle d'arsenic ! Pour étayer sa théorie, le chercheur a épluché les archives de l'époque à la recherche d'informations sur les derniers jours du philosophe en exil. Et sa conclusion est sans appel : vertiges, maux d'estomac, saignements dans les urines. Autrement dit, Descartes n'avait pas les symptomes d'une pneumonie, mais bien ceux d'un empoisonnement.
Mais pourquoi François Viogué, «missionnaire apostolique» pour les pays du Nord, aurait-il voulu la mort de l'auteur du Discours de la méthode ? Pour des raisons religieuses. En 1648, il informe ses supérieurs au Vatican que la reine Christine de Suède, protestante, est susceptible de se convertir au catholicisme. Or, Ebert explique que les idées de Descartes ne s'accordent pas totalement avec les dogmes catholiques. La transsubstantiation principe catholique selon lequel le corps du Christ se trouverait réellement dans les hosties consommées par les fidèles lors de la communion serait incompatible avec la pensée du philosophe. Viogué aurait donc vu en Descartes un obstacle à la conversion de la reine, affirme Ebert. Il aurait alors décidé de l'assassiner au moyen d'une hostie empoisonnée, le 2 février 1650. Neuf jours plus tard, Descartes rend l'âme. En 1654, la reine Christine abandonne sa couronne et se convertit au catholicisme.
Les preuves formelles sont minces
Ebert illustre son argumentation d'extraits de la correspondance de la reine de Suède et de l'ambassadeur de France à Stockholm. D'après lui, ces documents montrent clairement qu'ils ont cherché à étouffer l'affaire. Deux éléments troublants s'ajoutent à cela : dans une interview au magazine Books, Ebert explique que le malade s'était fait prescrire un vomitif, ce qui signifierait qu'il se savait empoisonné. Preuve supplémentaire de son forfait présumé, François Viogué aurait refusé l'extrême onction à un Descartes mourant…
Les avis sur cette théorie sont mitigés. Jugée crédible par plusieurs universitaires allemands, elle ne séduit pas tous du tout les spécialistes français du philosophe. Pour l'académicien Jean-Luc Marion, «la question, purement anecdotique, n'a aucun intérêt». Michel Fichant, qui dirige avec lui le Centre d'études cartésiennes, va plus loin : «le journalisme à sensation de M. Ebert ne touche à rien d'essentiel ni même de simplement intéressant». Pour lui, rien ne justifie de «monter de toute pièce une histoire d'assassinat jésuitiques à l'hostie, dont il n'y a pas l'ombre d'un commencement d'une preuve». Les spéculations sur l'assassinat de Descartes ne datent pas d'hier : au lendemain de sa mort, cette hypothèse avait déjà été évoquée. Depuis, plusieurs ouvrages ont fait référence à un assassinat de Descartes par des catholiques… ou des protestants. Mais les preuves formelles qui accusent Viogué sont minces. Cette controverse fait plutôt sourire Xavier Kieft, doctorant en philosophie et très bon connaisseur de Descartes : «Il faut aimer les reconstitutions posthumes. Toute cette affaire est finalement assez drôle».
samedi 13 mars 2010
René Descartes est-il mort empoisonné ?
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