Le ministre de l'Agriculture, Bruno Le Maire, veut désamorcer le bras de fer qui s'amorce sur le prix payé aux agriculteurs. Une semaine à hauts risques.
Le printemps s'annonce chaud. Un an après un bras de fer musclé entre producteurs de lait, industriels et grande distribution, rien n'est réglé. Les industriels refusent d'appliquer les clauses d'un accord signé, l'an dernier, avec les producteurs de la FNPL, la branche lait de la FNSEA. Ce texte permettrait aux 90 000 producteurs de bénéficier pour le deuxième trimestre d'une augmentation comprise entre 5,5 et 5,8 %.
Furieuse, la FNPL, qui avait été malmenée par sa base après avoir signé ce texte, a déjà appelé ses adhérents à réagir. Et les autres syndicats (Coordination rurale, Confédération paysanne) ainsi que l'Apli (Association des producteurs de lait indépendants) pourraient faire front commun avec elle. Les difficultés du groupe Entremont, dont la reprise par Sodiaal peine à se concrétiser, pèsent aussi sur le moral de la filière laitière.
Désamorcer la crise. Le ministre de l'Agriculture organise, demain, une rencontre entre industriels et producteurs. Mais il dispose d'une marge de manoeuvre étroite. Tout comme le nouveau commissaire européen à l'Agriculture, qui a déjà prévenu ne pas disposer de ressources pour intervenir.
Comme le réclame la FNPL, il pourrait donner son feu vert à des regroupements de producteurs, qui seraient ainsi mieux armés pour négocier avec les autres acteurs de la filière laitière. Les industriels, comme la grande distribution, observent avec inquiétude la montée des tensions. Lactalis (marques Bridel, Président) multiplie les actions en référé contre les syndicats pour éviter le blocage de ses usines. Pour les producteurs, Système U se dit favorable, en cas de crise agricole, à un prix plancher pour les producteurs. « Avec bien sûr l'arbitrage des pouvoirs publics », précise Serge Papin, PDG du groupe Système U. « Nous n'avons pas négocié de baisses de prix avec les industriels qui justifieraient des baisses de prix pour les producteurs », ajoute-t-il.
La détresse des producteurs. Les revenus des producteurs de lait ont diminué de plus de moitié (54 %) en 2009. « Le niveau moyen de rémunération se situe très en dessous du Smic », rappelle Gilles Psalmon, à la FNPL. Pour 5 à 10 %, la situation est quasi désespérée. « Rien n'est prévu pour les aider à abandonner ce métier dans de bonnes conditions », regrette Jean-Marie Séronie, directeur du Centre d'économie rurale de la Manche.
Les industriels durcissent le ton. Les prix se redressent pour le beurre et la poudre de lait : 190 € la tonne l'an dernier, 250 aujourd'hui. Mais la consommation de yaourts et de fromages patine. « La grande distribution a refusé toute hausse des tarifs des industriels. Et, dans 95 % des cas, elle est parvenue à ses fins », observe un économiste proche des industriels laitiers.
Les Allemands ont de l'appétit. Le prix du lait français est l'un des plus chers en Europe : 15 % de plus en moyenne que notre grand concurrent allemand en janvier. « La France a importé l'équivalent de 800 millions de litres de lait d'Allemagne, l'an dernier : une augmentation de 40 % par rapport à 2008 », explique Luc Morelon, directeur de la communication du géant lavallois Lactalis. Certains pays, comme l'Allemagne, ont profité des années de vaches grasses pour améliorer leur compétitivité : diversification énergétique avec des installations de biogaz, amélioration de la productivité et filet de sécurité avec l'aide des länder. La France, elle, est pénalisée par un encadrement très rigide des quotas qui a bloqué toute restructuration, estiment certains observateurs.
Patrice MOYON.
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