TOUT EST DIT

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jeudi 18 mars 2010

Demain, le touriste sera un voyageur sage

Du 18 au 21 mars, le tourisme tient salon à la porte de Versailles à Paris. Le Monde à Paris (MAP) est un rendez-vous grand public proposant plus de 500 destinations et autant d'idées de voyages. Que voudra le touriste de demain ?

La fin de l'aventure. Pour le sociologue et écrivain Jean-Didier Urbain, auteur de Secrets de voyage (éd. Payot, 1998) et de L'Idiot du voyage (éd. Payot, 2002), les prochaines années vont voir à la fois émerger un tourisme de proximité à l'échelle européenne et un tourisme au sein des villes mêmes. Ces dernières pousseront - à l'image de Paris - leurs habitants à devenir touristes chez eux. Les touristes vont adopter de nouveaux cycles de consommation : trois ou quatre années dans une résidence secondaire avant de "partir la cinquième année pour le Népal ou la Patagonie".
Pour Jean-Didier Urbain, la technologie va occuper une place de plus en plus importante. "Le cybertouriste va se généraliser et emportera avec lui une électronique impressionnante : ordinateur, téléphone portable, appareil photo numérique, GPS." Un bagage technologique qui va bouleverser le rapport au voyage, prédit le sociologue.

Et avec le GPS, finis l'errance chère à Georges Perec et, avec elle, les contacts avec les autochtones. L'ordinateur et le téléphone supprimeront la notion de rupture à tel point que la télécommunication aura tendance à tuer les échanges interpersonnels. Exit l'imprévu qui caractérisait le voyage initiatique. Demain, tout devra être prévisible. "Les voyagistes vendent de l'aventure, littéralement, or on passe son temps à prévenir", analyse Jean-Didier Urbain, pour qui le tourisme de demain sera aussi celui de la validation : "Nous avons connu le tourisme de découverte, celui de Christophe Colomb, le tourisme d'aventures à la Phileas Fogg. Nous sommes finalement arrivés à un tourisme de vérification et de validation à la Don Quichotte : la réalité est-elle conforme à ce qui est écrit dans les guides ou sur Internet ?"

Mais tout n'est pas désespéré, estime M. Urbain, pour qui "une contre-culture du voyage devrait se mettre en place". Jean Viard, directeur de recherche au CNRS, spécialiste de la mobilité et du temps libre, croit lui aussi à l'émergence d'un tourisme de proximité. Un tourisme qui serait multigénérationnel, pour cause d'allongement de la durée de vie et de recomposition des familles, et où l'on partirait avec ses "vieux parents et les enfants de ses enfants".

Prestations hypercadrées. Les spécialistes de terrain ont, eux, une vision plus pragmatique. Le touriste sera de mieux en mieux informé grâce à Internet et à la recherche de séjours "expérientiels", selon l'expression de Guy Raffour, PDG du cabinet Raffour interactif. On veut vivre de nouvelles expériences, on prépare tout avant de partir, on visionne les lieux, on échange avec d'autres internautes et, au retour, on raconte son expérience en ligne sur des réseaux sociaux.

"L'e-touriste est devenu très expert, ajoute M. Raffour, et ce phénomène ne fera que s'accentuer." Quitte à se couper de tout l'aspect dépaysant. "Les touristes recherchent des séjours de plus en plus organisés avec des prestations hypercadrées, poursuit-il, laissant de moins en moins de place à l'aventure et aux rencontres. Sans remettre en cause la formule club, la tendance à l'horizon 2020 est plutôt aux formules "tout compris" et à la carte. C'est un peu comme au restaurant, on veut le menu et la carte. On part en pleine nature mais avec tout le confort."

Les voyages sur mesure, en famille ou en tribu ou autour d'une thématique, devraient avoir le vent en poupe. "Les Français sont de plus en plus autonomes, et la différence entre Parisiens et provinciaux a disparu, déclare Philippe Gloaguen, le patron du Guide du routard. Le consommateur a pris le pouvoir et sera de plus en plus exigeant."

Des départs fragmentés. Autre grand changement au cours des dix prochaines années : l'apparition de nouveaux comportements liés à la question de l'environnement. Avec une tendance à privilégier le train, plutôt que l'avion, et à louer une voiture une fois arrivé à destination plutôt que d'utiliser son véhicule personnel pour se rendre sur son lieu de vacances. Ce réflexe pourrait être adopté par un Français sur cinq dans les prochaines années, selon M. Raffour.

Autre tendance, une propension à fragmenter et à étaler les congés en dehors de la période de juillet-août. Cette répartition permet de réguler la fréquentation des sites les plus visités et souvent de diminuer le budget vacances des familles. Le touriste préférera ainsi visiter Las Vegas en semaine où le prix des hôtels est deux fois moins cher que le week-end. "Il y aura de plus une tendance à gérer et à organiser son voyage en fonction des jours de la semaine", assure M. Gloaguen. Les voyagistes devront se lancer sur de nouveaux "créneaux temporels comme les mois d'octobre et de novembre", prédit, en écho, Jean-Didier Urbain.

Salon mondial du tourisme, MAP, Le Monde à Paris. Parc des expositions, Pavillon 4, porte de Versailles, Paris 15e. Du jeudi 18 au dimanche 21 mars, de 10 heures à 19 heures. 8,50 euros ; gratuit pour les moins de 12 ans. Mº Porte de Versailles. Bus : lignes 39 - 80.

François Bostnavaron et Martine Picouët

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