TOUT EST DIT

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vendredi 13 novembre 2009

Bernard Kouchner veut une "Europe de l'action dans le monde"

Le 19 novembre seront nommés le président du Conseil européen et le haut représentant pour les affaires étrangères. Comment ces structures nouvelles renforceront-elles une action commune extérieure ?

Maintenant, il y a de quoi mieux diriger l'Europe. Je ne connais pas la recette, mais il y a une volonté politique de marquer notre temps. Nous sommes 500 millions, nous sommes les plus riches et les mieux armés socialement, en retraites et système de santé. Face à l'Inde, à la Chine, aux côtés des Etats-Unis, nous devons affirmer l'existence de l'Europe. Tout le monde nous attend. En Afrique sur le développement, à Copenhague sur le climat. Avec Pierre Lellouche (secrétaire d'Etat aux affaires européennes), nous voulons passer d'une Europe que nous avons construite dans la précaution, pour nous, à une Europe de l'action.
De ces deux personnages, qui représentera l'Europe ? Au G20, ou lors des sommets annuels de l'UE avec les Etats-Unis ou la Russie, qui ira ?

Je ne sais pas, ce n'est pas précisé dans le traité. L'expression des vingt-sept Etats, ce sera le président du Conseil. Je vois plus le haut représentant comme un homme ou une femme d'action, qui n'ira pas négocier autant que les autres mais appliquera leurs décisions. Et qui aura des envoyés spéciaux, lesquels pourraient être pour une part des ministres des affaires étrangères. Dans le cadre du suivi de l'affaire géorgienne, ce n'est pas le président du Conseil qui se rendra chaque fois sur place, avant que les Vingt-Sept n'aient exploré les possibilités d'entente.

Que faire en cas de divergence grave entre Européens, comme lors de la guerre en Irak ?

C'est vrai que l'Europe n'était pas suffisamment consciente d'elle-même pour avoir une position commune. Mais là encore, qu'est-ce qu'il y a eu ? Deux Etats, la France et l'Allemagne. L'axe franco-allemand compte de plus en plus et je ne dis pas ça pour balayer les Anglais, au contraire.

Vous semblez réserver un grand rôle aux Etats...

Je suis partisan de longue date de l'Europe fédérale, mais l'Europe des Etats ne va pas disparaître. Ce qui est nouveau, c'est que le haut représentant pourra mêler la décision et l'action, il aura les moyens de sa politique. Est-ce que ça fait disparaître les Etats ? Non, ça leur impose de s'entendre sur les grands sujets de politique extérieure. La France est ambitieuse pour l'Europe : on ne va pas envoyer des gens de troisième catégorie dans le service européen d'action extérieure et garder les meilleurs diplomates dans son propre pays. S'il y a un haut représentant fort, nous, les ministres des affaires étrangères, nous aurons moins d'importance. C'est comme ça. Il faut croire à l'Europe.

En Afghanistan, elle n'a pas une grande visibilité.

C'est ce que je déplore. Nous avons plus de 30 000 soldats sur le terrain. Ils sont deux fois moins nombreux que les Américains, mais il y a de quoi discuter de la stratégie. Nous voudrions que l'Europe et les Etats-Unis se voient beaucoup plus souvent sur ce problème afghan. Personne ne songe à se retirer d'Afghanistan tout de suite - ce qui devrait faciliter ce genre d'approche. Mais nous en sommes encore à attendre la décision du président Obama sur sa stratégie. On ne va pas s'opposer aux Américains en Afghanistan. Mais pour discuter, nous avons besoin d'une stratégie européenne. Nous préparons un papier à ce sujet, avec des partenaires européens très engagés en Afghanistan.

En Afghanistan, vous souhaitez des règles d'engagement militaire communes aux Européens ?

Sans elles, on est embarrassé. Mais cela dépend de l'OTAN et relève de décisions nationales. Ce n'est pas facile.

Au Proche-Orient, l'Europe peut-elle faire bouger les Israéliens ?

Pour le moment, elle ne les fait pas bouger suffisamment. Mais les Américains non plus. Ne devrions-nous pas joindre nos forces ? L'Europe est le premier bailleur de fonds. Mais comment aujourd'hui développer nos projets à Gaza ? Les Etats-Unis jouent un rôle considérable dans cette région du monde, mais nous aussi. Vous allez voir, on se tournera vers nous beaucoup plus.

Quelle est la crédibilité de l'Europe à l'extérieur si elle n'est pas en mesure de régler des problèmes dans son voisinage immédiat, comme la Géorgie morcelée ?

Il est extrêmement important de créer la sécurité en Europe. Il y a encore des pays fragiles. La Géorgie, ce n'est pas réglé, et nous devons continuer d'en parler avec la Russie. Ce n'est pas pour cela que l'Europe ne compte pas en Afghanistan ni en Somalie, pour combattre l'extrémisme. Les Européens vont d'ailleurs bientôt annoncer qu'ils formeront des troupes somaliennes à Djibouti.

L'Europe est-elle fidèle à ses valeurs lorsqu'elle lève les dernières sanctions contre l'Ouzbékistan ?

Je ne crois pas qu'elle trahisse ses valeurs. Sur l'Iran, la position de la France et de l'Europe est très déterminée. Sur la Guinée, et bien d'autres dossiers, la France a aussi été en pointe.

Pas sur les droits de l'homme en Syrie...

Pas du tout ! Nous avons protesté après l'arrestation de (l'opposant) Haissam Maleh, et nous évoquerons ce sujet, ainsi que beaucoup d'autres, avec le président Bachar Al-Assad (lors de sa visite à Paris).

Propos recueillis par Natalie Nougayrède et Marion Van Renterghem

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