Rassemblement de la nullité parfaite |
jeudi 21 août 2014
Frondeurs : de la gauche plurielle à la gauche plus rien ?
A dix jours de l'université d'été du PS à La Rochelle, le fossé se creuse entre la gauche et les frondeurs qui sont en train de constituer un nouveau courant du nom de «Vive la gauche». Agacé par Cécile Duflot, qui s'apprête à sortir un livre racontant son aventure au gouvernement, Joseph Macé-Scaron dans unédito sur Europe 1 a parlé de passage «de la gauche plurielle à la gauche plus rien». Partagez-vous son point de vue?
Non. Au contraire, je trouve que le débat actuel à l'intérieur de la gauche est particulièrement fécond et intéressant sur le fond. C'est tout le contraire d'une «gauche plus rien»: c'est plutôt une «gauche trop-plein», au sens où la diversité des orientations politiques exprimées est très forte.
D'un côté, il y a la gauche sociale-démocrate du tandem Hollande-Valls. Elle applique une politique de l'offre dans l'idée de s'adapter au libre-échange mondialisé. De l'autre, il y a la gauche socialiste: les frondeurs du PS, tels Pascal Cherki et Jérôme Guedj ; une partie d'EELV, à l'instar de Cécile Duflot ; et bien sûr les forces du Front de gauche. Cette gauche-là prône davantage de politique de la demande, elle rejette le programme de réformes du Consensus de Washington, et elle préconise le protectionnisme.
La gauche est-elle plus désunie aujourd'hui qu'elle ne l'a jamais été? Si oui, comment l'expliquez-vous?
La fracture n'est pas nouvelle. Si l'on résume le clivage à son essence, ces deux grands camps s'affrontent une fois de plus sur le choix politique fondamental, crucial, entre libre-échangisme et protectionnisme. C'était déjà la ligne de fracture du tournant de la rigueur en 1983, du référendum sur Maastricht en 1992, et du référendum sur la Constitution européenne en 2005. Peu ou prou, la gauche est unanimement progressiste sur les sujets de société, mais sur le projet socio-économique, elle est fracturée entre libre-échange et protectionnisme.
Cela étant, si cette fracture entre gauche libre-échangiste et gauche protectionniste est de plus en plus ouverte depuis 2012, c'est pour une raison simple: la situation socio-économique du pays, l'état de ses comptes publics, et le poids des prélèvements obligatoires, s'aggravent de plus en plus vite. En clair, la marche du pays vers la «triple faillite» s'accélère: dette publique, dette sociale, dettes privées. Dans ce contexte de naufrage, les divergences sur le cap à suivre s'exacerbent de plus en plus. C'est compréhensible.
Les primaires de 2012 ont-elles accentué le phénomène en multipliant les écuries?
Non. La primaire de 2011 a eu surtout quatre conséquences, toutes positives. D'une, après l'affaire du Sofitel abattant DSK, elle a permis au PS de se doter in extremis d'un candidat par défaut sans avoir à en passer par une crise interne. De deux, elle a donné aux protectionnistes du PS une figure de proue en la personne d'Arnaud Montebourg, alors que la gauche du PS était orpheline depuis plusieurs années. De trois, elle a modernisé la vie politique française en important de la gauche italienne une méthode nouvelle de désignation du chef de file. De quatre, elle a permis à deux nouveaux talents, Arnaud Montebourg et Manuel Valls, de se révéler au «peuple de gauche» comme visages de la relève au PS: l'un pour l'aile gauche et l'autre pour l'aile droite.
Paradoxalement, en voulant réaliser la synthèse à tout prix, François Hollandea-t-il fait imploser la gauche?
Il est clair que François Hollande a longtemps poussé l'obsession du compromis jusqu'à l'absence de cap, avec sa synthèse bancale dans l'affaire Leonarda Dibrani pour point d'orgue. Cependant, depuis janvier 2014 et l'annonce du pacte de responsabilité, l'Elysée a incontestablement un cap clair et il s'y tient: la politique de l'offre.
Au-delà des querelles personnelles et des stratégies en vue de 2017, le PS et plus largement la gauche ne souffrent-ils pas d'un problème idéologique plus profond? Qu'est-ce qui distingue le socialisme de l'offre de Manuel Valls de la droite modérée ou du centre?
Fondamentalement, il y a aujourd'hui dans notre vie politique deux clivages cruciaux: l'un est le choix entre libre-échange et protectionnisme en matière socio-économique ; l'autre est le choix entre progressisme et conservatisme sur les sujets de société. L'aile sociale-démocrate du PS et la droite libérale de l'UMP adhèrent toutes les deux au libre-échange. Mais sur les sujets de société, l'une est progressiste alors que l'autre est conservatrice. Au contraire, à l'intérieur même du PS, les sociaux-démocrates façon Hollande et les socialistes façon Montebourg adhèrent identiquement au progressisme sur les sujets de société. Mais en matière socio-économique, les uns sont libre-échangistes et les autres sont protectionnistes.
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