mardi 10 juin 2014
Guerre des chefs ou guère de chef ?
Voilà la droite à la recherche d’un leader. C’est-à-dire d’un patron habité par le désir de sauver la France, plutôt que d’une personnalité mue par sa seule ambition.
Une fois encore, la droite française est divisée comme jamais. Une ténébreuse affaire de fausses factures, dont l’UMP a été la victime (et non la bénéficiaire), a servi de prétexte aux caciques du parti pour exiger le départ de Jean-François Copé. Comme ils n’avaient jamais accepté que ce tenant des positions droitières de l’UMP accède à la tête de la Rue de Vaugirard, ils se sont livrés à leur délit de faciès avec une violence rare. Et, pour remplacer ce quinquagénaire, qui avait à son actif une formidable victoire électorale aux dernières municipales, le bureau politique du parti a décidé, en contradiction totale avec les statuts de l’UMP, de porter à sa tête un triumvirat composé d’anciens premiers ministres dont la moyenne d’âge est supérieure à 64 ans.
Il y a donc aujourd’hui au moins cinq patrons au sein de la droite parlementaire. Alain Juppé qui veut être président de la République, François Fillon qui veut accéder à l’Élysée, Jean-Pierre Raffarin qui veut être président du Sénat, François Bayrou la(girouette*) qui croit toujours à son destin présidentiel et Yves Jégo qui n’en revient toujours pas d’être devenu la coqueluche de Manuel Valls. Autant dire que, plus de deux ans après la victoire de François Hollande, il n’y a toujours personne pour incarner cette droite qui se cherche un leader, sinon des personnalités entrées sur la scène politique il y a plus de trente ans et motivées par leur seule ambition personnelle ou par des petites susceptibilités d’amour-propre. Et cette situation va encore durer au moins cinq mois avant qu’un congrès de l’UMP adoube un vrai “chef” porteur d’une ligne politique claire.
Ce qui est le plus frappant n’est pas tant ce qui se passe à droite, et qui n’est qu’un “remake” d’un vieux film déjà projeté au moment de la guerre Giscard-Chirac ou Chirac-Balladur, mais ce qui se passe dans tous ces lieux de pouvoir où se dessine l’avenir du pays. Cette incapacité des élites à faire émerger en leur sein un leader est d’abord apparue, il y a deux ans à Sciences Po, après la mort brutale de son directeur. Alors que tous les rouages de cette institution, dont sont issues bon nombre de personnalités du monde politique, économique ou journalistique, sont parfaitement huilés, il a fallu un an pour que la Rue Saint-Guillaume arrive à se doter d’un nouveau patron. Au même moment la CGT, qui est un élément incontournable de la vie sociale en France, connaissait exactement les mêmes difficultés. Et finalement le syndicat le plus archaïque de France a porté à sa tête un candidat que personne n’attendait, surtout pas Bernard Thibault, son ancien leader. Même syndrome au Parti socialiste où le départ de Martine Aubry a été le détonateur d’une guerre des clans impressionnante. Une guerre que François Hollande a cru calmer en plaçant, Rue de Solferino, la personnalité la plus insignifiante du parti, Harlem Désir, qui vient d’être débarqué. Même le journal le Monde, dont le magistère intellectuel continue de jouer un rôle dans la vie politique, n’a pas été épargné par cette faillite des élites. Sa directrice de la rédaction, désignée il y a un an sur un malentendu, vient d’être contrainte de quitter ses fonctions au profit d’un duo improbable.
Ce qui se passe en France se constate même au-delà de nos frontières. Puisque la présidence de la Commission européenne, qui semblait acquise au conservateur Jean-Claude Juncker, est désormais livrée au jeu des combinaisons. Le premier ministre britannique, David Cameron, ne veut pas entendre parler de ce fédéraliste convaincu. (On le comprend bien volontiers !) Mais le socialiste Martin Schultz ne dispose pas d’une majorité alternative. Si bien qu’Angela Merkel a essayé de suggérer le nom de Christine Lagarde, voire même celui du premier ministre du Danemark. Et faut-il que les chefs d’État européens soient bien embarrassés par cette absence de leadership, dont le vieux continent a déjà souffert avec José Manuel Barroso, pour penser avoir éventuellement recours au très insignifiant Michel Barnier.
L’époque semble donc être devenue peu propice à l’émergence de leaders, de personnalités capables de “soulever des montagnes”. Et comme la nature a horreur du vide, ce sont toujours les plus médiocres qui profitent de cette situation. Napoléon, qui n’a pas connu ce type de problème, a dicté à Las Cases, dans sesMémoires : « On ne conduit le peuple qu’en lui montrant un avenir : un chef est un marchand d’espérance. » Voilà ce dont le grand peuple de droite a besoin : d’un capitaine qui lui redonne la foi et qui lui ouvre la voie. Des hommes de cette trempe, il n’y en a pas trois. Même pas deux. Peut-être un ? À condition qu’il en ait envie. Et que la droite française cesse enfin d’être la plus bête du monde !
*de moi-même
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