vendredi 4 avril 2014
L’improbable opération de sauvetage
L’improbable opération de sauvetage
Les commandes sont à l’Élysée. C’est François Hollande qui devrait se “remanier”. Le problème est qu’il devrait faire l’inverse de ce qu’il a fait depuis deux ans.
L’histoire retiendra sans doute que la préfiguration de la nomination de Manuel Valls à la succession de Jean-Marc Ayrault a eu lieu deux mois avant la “raclée” des municipales. C’était le lundi 3 février, au lendemain de la puissante mobilisation de La Manif pour tous à Paris et à Lyon. Manuel Valls fut le premier à annoncer, au micro de RTL, qu’il n’y aurait plus de loi sur la famille (PMA, GPA et autres sottises). Bruno Le Roux, président du groupe socialiste à l’Assemblée, lui répondit aussitôt sur une autre antenne que le ministre de l’Intérieur ferait mieux de rester dans son rôle et de respecter la règle du jeu. Le même jour, Jean-Marc Ayrault déjeunait à l’Élysée et François Hollande trancha en faveur de Valls : il fallait en effet ajourner le projet de loi sur la famille.
Dans le Monde du lendemain, Valls expliqua la pensée de Hollande : « On ne peut pas faire comme si le débat sur le mariage pour tous et la filiation n’avait pas laissé des traces. Dans une société fracturée, François Hollande a décidé d’éviter des débats non maîtrisés qui représentaient un vecteur supplémentaire de perturbation dans les mois qui viennent. » C’était clairement dit, mais le mal était fait, on l’a vu par l’ampleur de la tempête électorale qui s’est produite les 23 et 30 mars. Une fois la vague retirée, la plage sur laquelle se présente Manuel Valls est couverte de débris.
Contrairement à ce qui se répète partout, le chômage et les impôts ne suffisent pas à expliquer ce désastre. La gauche doit en chercher les causes au plus profond de l’inquiétude des Français quant à leur identité, à leur idée de la famille, des fondements de leur histoire, de leur culture et de la vie en société. La théorie du genre, qui veut faire des petits garçons des petites filles et vice versa, associée à une débauche de campagnes publicitaires, d’émissions, de films et de feuilletons provocants et destructeurs, a autant contribué à la défaite que le chômage. De cette sanction justifiée, le nouveau gouvernement va-t-il tirer la leçon ? Au moins, François Hollande reconnaît-il cette « crise civique et même morale » dont souffre la France.
La dernière carte souvenir laissée par l’équipe Ayrault l’aura été sur le perron de l’Élysée par une ministre qui sera ainsi sortie de l’anonymat. Le soir même où la France venait d’offrir un dîner d’État en l’honneur du président chinois et de son épouse, Mme Nicole Bricq confiait à la femme du premier ministre, parlant du dîner qui avait été servi : « C’était dégueulasse. » Anecdotique ? C’était dit par une ministre de la République, qui plus est ministre du Commerce extérieur, et le mot allait naturellement faire le tour de la planète médiatique. Cela révélait non seulement la vulgarité, mais aussi la morgue d’un personnel politique qui se moque du rang du pays et du travail des autres. Rien n’est plus sensible à l’électorat populaire que ce langage qui n’aura fait rire que les électeurs de Mme Hidalgo. La vague bleue aura eu le mérite d’envoyer au piquet tous les “Bricq” au pouvoir.
M. Valls saura-t-il y mettre de l’ordre ? On lui reconnaît du caractère et de l’autorité. Son bilan de ministre de l’Intérieur ne plaide guère en sa faveur. Ancien directeur de campagne de François Hollande, formé au cabinet de Lionel Jospin, il a pu mesurer dans sa circonscription de l’Essonne la dimension de la défaite socialiste. Son député suppléant, Carlos Da Silva, qu’il avait soutenu par une activité intense, a mordu la poussière à Corbeil-Essonnes, sèchement battu par Jean-Pierre Bechter, l’héritier de Serge Dassault.
Quelle sera sa liberté ? François Hollande lui demande de sauver son “quinquennat à l’envers”. Mais à peine était-il nommé que le président de la République annonçait à la télévision qu’il ajoutait un pacte de solidarité pour compenser son pacte de responsabilité. Compenser, parce que la gauche n’a rien compris au pacte de responsabilité et que son aile gauche le combat. Or, la France n’a pas le moindre euro pour financer ce nouveau pacte alors que le précédent ne l’est toujours pas sans les 50 milliards d’économies. L’impasse est totale. La France n’a pas atteint ses objectifs de déficit, elle est sous “surveillance renforcée” à Bruxelles (seul État européen à l’être avec la Slovénie) et elle doit présenter sa trajectoire budgétaire le 30 avril devant la Commission.
Manuel Valls a pour seul atout d’être un nouveau premier ministre — pour le reste, il n’a rien. Les commandes sont à l’Élysée. « J’en assume la totale responsabilité », dit François Hollande. Il devrait donc commencer par se “remanier”. Le problème est qu’il devrait faire l’inverse de ce qu’il a fait depuis deux ans. C’est ce que les électeurs lui ont dit. S’il échoue avec Valls, il ne lui restera qu’une option : la dissolution.
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