La ministre de la Santé décide de réduire drastiquement la vente de la cigarette électronique. Au mépris d'un rapport qui soulignait sa moindre toxicité.
dimanche 9 juin 2013
Pourquoi la scrupuleuse Marisol Touraine nous enfume
Ministre des Affaires sociales et de la Santé, cette femme à l'allure douce et un peu éteinte s'embrase comme une allumette à la seule vue d'une cigarette électronique. À l'entendre, la chose devrait faire l'objet des mêmes interdictions que la cigarette classique, pour cause d'incitation à la fumette et d'aléatoire toxicité de la vapeur exhalée ; il faut la refuser dans les lieux publics, à la vente aux mineurs et à la publicité. Elle a d'ailleurs commandé un rapport sur la e-cigarette, dont elle ne s'est pas vantée. Le pneumologue et tabacologue Gérard Mathern y déclare que la vapeur dégagée par l'objet contient 400 à 1 000 fois moins de produits toxiques qu'une cigarette traditionnelle. Elle ne contient aucun monoxyde de carbone, agent principal de cancer, même en cas de tabagisme passif.
Maintenant, reste l'interrogation, légitime,
celle-là, du propylène glycol et de la glycérine contenus dans le e-liquide. On n'en sait trop rien pour l'instant, sauf que ces substances figurent dans les inhalateurs pour asthmatiques, comme additifs dans les aliments et dans les cosmétiques, si bien que plein de gens s'en mettent sur la figure tous les matins. N'accablons pas Mme Touraine en citant le pneumologue Bertrand Dautzenberg, "la e-cigarette permet de réduire les dommages du tabagisme de façon considérable". Méfiez-vous des scrupules, disait Hugo, ils mènent loin. Madame Touraine avait déjà fait sensation (pour moi), lorsque le 12 mai 2012, à peine élue, sa première mesure urgente de santé publique avait été de vouloir fermer 18 000 cabines de bronzage, en raison de la nocivité des UV3, au motif qu'il y avait entre 16 et 19 décès par an sur ces lits au soleil artificiel, sans même imaginer que certains décès puissent être dus à une crise cardiaque ou à une autre pathologie, et sans calculer un instant le nombre de chômeurs qu'elle créerait du même mouvement.
Idem pour la e-cigarette. Un commerce en plein essor. Déjà 300 boutiques en France. Déjà 500 000 fumeurs électroniques en 2012, près d'un million avant la fin de l'année. Chiffre d'affaires, 40 millions en 2012, près de 100 millions en 2013. Une boutique, c'est un lieu public. Combien de chômeurs potentiels la ministre a-t-elle dans le collimateur si elles ne sont plus utilisées -les conseils à l'achat et la démonstration sont indispensables. Et c'est là où le scrupule de Mme Touraine prend toute son ampleur. Notre méfiance aussi. Un scrupule d'État. Celui-ci prend 75 % de taxe sur un seul paquet de cigarettes, disons à 6 € le paquet. S'il s'en vend en moyenne 250 000 par jour, cela revient au minimum à plus d'un million de pertes par jour pour l'État. Ô rage, ô désespoir, ô e-cigarette ennemie ! Si Mme Touraine avait la vertu qu'elle prétend, elle devrait aussi interdire la consommation d'alcool dans les bars et les cafés qui représentent une invitation avérée à l'alcoolisme, si on adopte ses préceptes vertueux.
D'autres scrupules n'affectent pas Mme Touraine concernant notre santé. Pourquoi le paracétamol, ingrédient essentiel du Doliprane et de l'Efferalgan, est-il fabriqué en Chine et que cela ne figure pas sur la boîte ? Beaucoup de sociétés françaises ont délocalisé la fabrication des génériques dans les pays émergents, Chine donc, mais aussi Inde, Europe de l'Est, et même Malte (connue pour son observance rigoureuse des lois bien sûr). Pourquoi 80 % des composants de nos médicaments génériques sont-ils fabriqués sur des sites douteux, non contrôlés ? Le ministère de la Santé les décrit pudiquement "sourcés en Europe, fabriqués en Asie". En 2011, l'Académie nationale de pharmacie et les fournisseurs de matières premières ont déjà tiré le signal d'alarme. Pourquoi ne les écoutez-vous pas ? Vous préférez nous enfumer avec la petite e-cigarette ? Mais pour l'enfumage, merci, on est déjà servis.
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