samedi 28 décembre 2013
La Suisse restera-t-elle la vieille fille de l'Europe?
C’est un avantage de mon métier, je voyage beaucoup.
Cette année, je passe une grande partie de mon temps au Portugal. Une grande et belle nation au bord de la faillite, comme l’Espagne, la Grèce, l’Italie. Quatre pays qui partagent une identité commune : ils sont européens. Ils font partie de l’Europe. Et nous, toujours pas. Et plus la crise avance, plus on entend en Suisse les uns se féliciter de ne pas être tombés dans le panneau, les autres d’avoir su, d’avoir vu avant tout le monde les risques inhérents à cette belle utopie collective. Nous avons, encore une fois, trouvé le moyen d’avoir le beurre et l’argent du beurre. Un peu d’Europe utile à l’économie via les bilatérales, mais pas les tracas des responsabilités collectives. C’est gênant.
Pas encore le droit de vote
Ce sentiment désagréable que je porte depuis quelques temps, un ami, suisse comme moi, a su le mettre en mots l’autre jour. Nous tentions alors d’expliquer à un troisième camarade - français – pourquoi nous n’avions que très rarement pu ressentir ce sentiment que lui vit fréquemment : la fierté d’appartenir à son pays. Mon ami et moi sommes d’une génération qui n’avait juste pas atteint la majorité civique en 1992, lors du vote populaire pour entrer dans l’EEE. Nous avions alors nos consciences politiques naissantes, nos rêves, nos utopies de jeunes gens à l’orée de leur vie d’adulte. Mais pas encore la possibilité d’être acteurs de ce qui se déroulait sous nos yeux.
Si frileuse Suisse
La jeunesse suisse, ce jour-là, a rêvé d’intégrer l’Europe, symbole pour nous d’une ouverture, de voyages, d’échanges erasmus, d’un champ de possibles inestimable. Les adultes ont voté. Les adultes nous ont dit « non, tu restes au jardin, tu sortiras dans le monde plus tard». Nous sommes restés au jardin, dociles, et par la suite on nous a construit un petit corridor clôturé pour aller la voir de plus près - mais pas de trop près - cette Europe. Je pense que ce refus d’entrer dans l’EEE a déterminé ce rejet de notre génération envers un pays trop prudent, si peu aventurier. Comme le dit si justement mon ami, notre rapport compliqué à la Suisse, cette profonde déception et cette colère envers ce pays sont passablement liés à cet épisode.
Europe en crise
Aujourd’hui que l’Europe va mal, je sens ce sentiment se réveiller, car je me sens encore une fois impuissante, comme je le serais face à une voisine malade pour laquelle je ne pourrais pas grand-chose. Encore une fois, exclue de l’aventure, de l’Histoire. L’Europe est un mariage improbable, mais comme tous les mariages c’est une idée un peu folle, qui nécessite solidarité et persévérance, surtout dans les moments de crise.
La Suisse restera-t-elle donc à jamais une vieille fille ?
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