TOUT EST DIT

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samedi 21 septembre 2013

L’Europe, l’omniprésente invisible

Les élections législatives allemandes suscitent une fascination et des attentes inédites dans les autres pays. Pour les partis et électeurs, le rôle et de l’influence de leur pays en Europe est une telle évidence que le sujet n’a pas été au coeur de la campagne.

A en croire un mot d’esprit qui circule à Londres en ce moment, l’Europe aurait désormais deux capitales. L’une serait Berlin. L’autre serait… Francfort. En Grèce, les rumeurs selon lesquelles le gouvernement allemand pourrait mettre la remise de la dette à l’ordre du jour après les élections vont bon train.
En Espagne, on croit toujours que la question de la résolution bancaire [c’est à dire le mécanisme pour intervenir sur les banques en difficulté] sera réglée à compter du 23 septembre – les banques les plus défaillantes de la péninsule ibérique seront liquidées collectivement après les élections allemandes ; il n’y aurait donc aucun souci à se faire.
Non, personne ne s’inquiète en Allemagne. Personne ne parle de l’Europe dans cette campagne. Personne ne pose la question de savoir s’il existe des idées neuves pour surmonter la crise. Cette crise – personne ne veut l’entendre – est encore loin d’être finie, même si elle a atteint son climax. Personne ne s’interroge sur les risques pour le pays d’une liquidation des banques. Personne n’évoque l’architecture d’une nouvelle Europe, qui éviterait que la crise ne se répète.

Sans l’Allemagne, rien ne bouge en Europe

Et ne pourrait-on pas imaginer qu’un référendum sur une nouvelle constitution soit l’événement politique majeur de la prochaine législature ? Un scrutin parlementaire sur une nouvelle constitution, qui verrait l’Allemagne déléguer quelques-unes des composantes maîtresses de sa souveraineté à Bruxelles ?
On peut imaginer beaucoup de choses, et l’on réfléchit beaucoup : à Paris, à Londres, à Bruxelles. Jamais dans l’histoire de l’après-guerre des élections législatives n’aurontexercé une telle fascination sur les voisins de l’Allemagne – et cela n’est pas uniquement dû au fait qu'Angela Merkel apparaît comme le personnage le plus puissant du continent ou du globe terrestre, au choix.

Qui décide – et qui paie ?

On associe à l’élection du Bundestag un espoir de salut en Europe, comme si c’était Noël avant l’heure et que des cadeaux allaient être distribués au matin du 23 septembre. Cette attente témoigne de deux choses : d’abord, du poids de l’Allemagne, puissance économique hégémonique, sur le continent. Sans l’Allemagne, plus rien ne bouge en Europe, comme en témoigne l’immobilisme de ces dernières semaines. Elle témoigne ensuite du besoin croissant d’action.
Quatre pays vivent sous la curatelle des Etats membres de la zone euro. L’un d’eux, l’Irlande, doit revoler de ses propres ailes cette année. La situation est jugée stable au Portugal et en Espagne. La Grèce a probablement encore besoin d’aide. On le sait. La question suivante est celle du budget européen, sur lequel lorgnent avec convoitise de nombreux pays, et qui n’a pas encore été voté au Parlement européen. Il est question d’argent, de redistribution, et de la campagne électorale qui sera bientôt lancée en Europe. Cela sent la brouille.
Ce climat de convoitise tourne principalement autour de l’Allemagne sur le sujet de la liquidation des banques et autour de ce qui est en réalité la question décisive : comment remodeler la zone euro pour qu’elle ne revive pas les mêmes épreuves ? Nous touchons là au cœur de toute politique : qui décide, et qui paie ?

L’Allemagne n’est pas un géant pour autant

L’Allemagne, qui a tout intérêt à voir la survie de l’euro, devrait donc imaginer quelques idées sur la manière d’harmoniser et de contrôler à l’avenir les budgets de la zone euro, d’adapter les régimes sociaux et de répartir les investissements publics. Il lui faudra s’atteler au nœud du problème et déterminer si ces pays d’Europe, si différents les uns des autres, seront un jour capables d’harmoniser leur compétitivité (ne serait­-ce qu’approximativement) ou si des transferts de fonds seront nécessaires – sur le modèle de la péréquation des ressources entre les Länder en Allemagne.
Tout cela touche au droit budgétaire, au contrôle parlementaire, à l’architecture de la démocratie en Europe, et pourrait déboucher sur une révision de la constitution allemande, qui prévoirait notamment l’option référendaire. Toute l’Europe voit ces problèmes et observe l’Allemagne avec fascination. Quid de l’Allemagne ?
L’Allemagne se rend aux urnes en toute décontraction, même si elle sera dès le lendemain de l’élection le jouet de convoitises. Il n’y a pas de miracles à attendre et il n’y aura pas de distributions de cadeaux. Angela Merkel ne changera sans doute pas grand-chose à son style et le SPD ne montre guère d’empressement à défendre l’euro. On attend néanmoins du changement dans le rythme de réformes – certains attendent même un programme ambitieux. L’Allemagne a beau se faire toute petite dans cette campagne, elle reste un géant pour l’étranger. Et Gulliver s’accommode mal des fers qui l’attendent.
Le suspense des législatives de dimanche porte sur les futurs alliés de la chancelière
La « non-campagne électorale » – der Nichtwahlkampf : c’est sous cette dénomination que les élections législatives allemandes du 22 septembre sont déjà entrées dans les annales de la science politique outre-Rhin. En effet, alors qu’en France les ministres, dûment sermonnés, s’excusaient sur tous les tons de s’absenter quelques jours (mais à portée de téléphone), l’approche du scrutin n’a pas empêché la chancelière Angela Merkel, 59 ans et candidate à sa propre succession, de s’offrir trois semaines de vacances avec son époux, Joachim Sauer, dans le Haut-Adige (le Südtirol, arraché à l’Autriche en 1919), province italienne germanophone très prisée par les classes moyennes germaniques – « l’étranger familier », où se mélangent l’art de vivre transalpin et la culture populaire des yodlers, des fanfares de cuivres et des jeunes filles en dirndl, robes décolletées mettant leur poitrine en valeur.
Alors qu’elle est presque assurée de rempiler pour un troisième mandat, Angela Merkel n’avait aucune raison de gâcher son été à battre les estrades ou à courir les plateaux télé pour séduire des électeurs dispersés dans les lieux où ils ont coutume de migrer pendant l’été : la Toscane pour les bobos, les Cévennes pour les écolos, la mer du Nord pour les naturistes peu frileux, la Bavière ou l’Autriche pour les vieux. Le simple affichage de sa normalité vacancière lui suffisait pour maintenir, voire accroître, la confortable avance dont les sondages créditent son parti, la CDU-CSU.




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