mercredi 5 juin 2013
Retraites des fonctionnaires : «un casus belli», avertit la CGT
Le rapport Moreau suggère de calculer les pensions des fonctionnaires sur la base de leurs 10 dernières années de carrière et non plus sur leurs six derniers mois. La CGT menace de faire la guerre au gouvernement s'il touche à ce totem identitaire.
Le gouvernement socialiste franchira-t-il le Rubicon et s'attaquera-t-il au totem du mode de calcul des pensions des fonctionnaires, et plus largement des salariés des régimes spéciaux? Rien n'est moins sûr. Pourtant, Yannick Moreau, la présidente de la commission pour l'avenir des retraites qui doit rendre la semaine prochaine un rapport sur les pistes de réforme à mener et dont lefigaro.fr a dévoilé hier les principales préconisations, le recommande ardemment.
L'ex-patronne du conseil d'orientation des retraites (COR) propose ainsi que les pensions des fonctionnaires soient à l'avenir calculées sur la base des traitements des 10 dernières années - comme c'était le cas pour les salariés du privé avant la réforme Balladur de… 1993 - et non plus sur les six derniers mois. Une révolution, un tabou même, auquel même François Fillon n'avait pas osé s'attaquer lors de sa réforme de 2003. Le ministre du Travail de l'époque avait certes envisagé de faire passer ce curseur à dix ans, puis à trois ans, mais avait fini par battre… en retraite face à la fronde grandissante des agents du public et des régimes spéciaux qui risquait d'annihiler l'ensemble de la réforme qu'il proposait alors.
Le gouvernement, en tout cas, est prévenu. Sitôt cette piste explosive rendue publique, la CGT l'a averti qu'il s'agissait d'un «casus belli irrémédiable» et a même parlé d'une «déclaration de guerre». La réforme n'est pas encore lancée que le langage guerrier est déjà sorti… Les autres centrales, plus conciliantes ou précautionneuses, au choix, n'ont pas réagi anticipant que cette question de l'alignement des régimes des fonctions publiques et des régimes spéciaux sera un point dur de la réforme à venir. Le gouvernement, à juste titre, n'a-t-il d'ailleurs pas prévenu l'opinion qu'aucun régime ne serait épargné par les évolutions à mettre en œuvre?
Quoi qu'il en soit, la question du mode de calcul des pensions dans le public reste une différence de taille avec celui du privé où les salariés, depuis la réforme de 1993, voient leurs retraites basées sur leurs 25 meilleures (et non dernières, c'est une autre différence qui pèse) années de carrière. Et c'est d'ailleurs l'une des seules variantes, avec l'âge de départ légal de certaines professions - les services dits actifs, comme les policiers, les militaires, les pompiers, les cheminots, les marins… - qui peuvent partir à la retraite à 57, voire même 52 ans, et avec le taux de remplacement (le rapport entre la pension et le dernier salaire), plus avantageux dans le public.
Toutes les autres données (durée de cotisation, taux de cotisation…) ont été alignées, avec retard et progressivement sur celles du privé. Ainsi les salariés des régimes spéciaux - hors services actifs et carrières dites longues - devront eux aussi avoir attendu l'âge de 62 ans en 2022 pour pouvoir partir en retraite, contre 2017 pour leurs homologues du privé. Ils devront aussi avoir cotisé 41,5 annuités à moyen terme - Yannick Moreau suggère d'ailleurs de faire passer cet indicateur à 43, voire 44 ans pour tous - pour prétendre à une retraite sans décote.
La tâche du gouvernement s'annonce donc délicate sur cette question, très identitaire, de la convergence des modes de calcul des pensions entre public et privé. S'il décide de s'y attaquer au nom de la justice et de l'équité, il doit s'attendre à des réactions très violentes des intéressés qui n'entendent pas céder un pouce leurs avantages acquis à force de mobilisations spectaculaires dans le passé. On connaît la capacité des syndicats de la SNCF de bloquer la circulation des trains lorsque l'exécutif décide de s'attaquer aux privilèges de leurs adhérents. On connaît moins l'aptitude du gouvernement de ne pas reculer face à une fronde grandissante mais, s'il a une once de courage, on ne devrait pas tarder à le savoir…
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