Jean-Marc Ayrault s'est engagé dans une
course à l'incompétence, mais l'actuel Premier ministre n'a pas le
monopole de l'insuffisance, d'autres avant lui se sont "illustrés".
La course à l’abîme de
l’incompétence dans laquelle s'est engagé le Premier ministre a quelque
chose de stupéfiant. Qu’on en juge.
Annoncer
une décision du Conseil constitutionnel avant qu’elle ait été rendue,
au mépris de la séparation des pouvoirs, principe pourtant
constitutionnel ? Le matin, envisager l’abolition des funestes 35
heures, pour l’après-midi, aussitôt battre piteusement en retraite,
comme un garnement pris les mains dans le pot de confiture de sa propre
incompétence ? D’autres péripéties presque aussi graves n’ont pas été
dévoilées.
Est-il donc loin le temps où Laurent Fabius lança, bravache, le fameux "vous parlez au Premier ministre de la France" ? Doit-on
pardonner cette série de bavures, qui esquinte nos Institutions et
qu’on ne pardonnerait pas à un étudiant de première année en
sciences politiques ?
Reconnaissons, pour être parfaitement juste, que l’actuel Premier ministre n’a pas le monopole de l’insuffisance.
François Fillon, sous lequel Matignon su avec talent se muer en
docile caisse enregistreuse des oukazes de l'hyper président Sarkozy,
vida de sa substance la nature même de la fonction de Premier ministre
: arbitrer, décider, en un mot, gouverner. Le "collaborateur"
du président, hormis quelques saillies, ne montra finalement de
caractère qu’une fois, pour conserver son précieux maroquin contre la
volonté du chef de l'Etat.
Dominique de
Villepin, plus occupé à poursuivre à califourchon sur le cheval
chimérique de son ambition une candidature à la magistrature suprême,
aura passé plus de temps à traiter son turbulent ministre de l’Intérieur
et rival qu’à conduire une véritable politique.
Jean-Pierre Raffarin, rebaptisé justement "Jean-Pierre Fera Rien"
par un talentueux observateur, et dont la bonhomie – sauf quand
il s’agira, par exemple, de s’asseoir sur le Pacte de Stabilité et
de Croissance en 2003 – ne nous a pas fait oublier qu’il fut
choisi, transposant ainsi le produit générique de la pharmacie à la
politique, parce qu’il ne "ferait pas d’ombre à Alain Juppé".
A
la vérité, il n’y rien de si nouveau dans tout cela. Pas plus que
le sentiment de malaise qui nous étreint quand nous voyons celui qui,
à défaut de l’étoffe, a bien le titre de chef du gouvernement de
la France. Malaise devant s(c)es ministres qui, toute impudeur bue,
rivalisent lors du congrès du PS pour déclarer leur flamme et leur
admiration. Malaise devant les gorges-chaudes de la presse, et plus
largement de ce qu’un ancien Premier ministre, qui lui ne galvaudait pas
sa fonction, appelait le microcosme, et ces paris qui se prennent
pour savoir jusqu’à quand il "tiendra"…
Pour nous, au-delà de la
tragédie personnelle de Jean-Marc Ayrault, visiblement perdu dans sa
fonction, ce sont deux questions de fond qui se posent. La première est
celle de la fonction même de Premier ministre, que la pratique des
Institutions par les présidents de la République, et par l’Imprésident
Hollande, réduit à la triste condition de fusible. C’est
une profonde déviance de la Vème République que cette habitude prise
par le président de la République de fuir ses responsabilités
en s’abritant commodément derrière l’homme-ou la femme- de paille
qu’est devenu(e) le Premier ministre.
Pour
nous, la solution est claire. Il ne saurait, comme l’a dit le Général de
Gaulle, exister une dyarchie au sommet de l’Etat. En conséquence, nos
Institutions, qui sur cet aspect nous singularisent en mal par rapport
aux grandes démocraties, doivent reconnaître que le président est Chef
de l’Etat et Chef de gouvernement, et qu’en tant que tel, il doit
répondre, d’une manière ou d’une autre, directement de sa politique.
La
seconde est celle du personnel politique. A dire vrai, nous n’espérions
pas grand chose d’un Premier ministre qui n’a ni expérience de l’Etat
(machine redoutablement complexe), ni expérience du secteur privé (où se
produit la richesse), ni expérience européenne ou internationale (où se
joue notre destin dans un monde de plus en plus globalisé). Bien sûr,
la situation de la France à cet égard n’est pas isolée, et c’est tout
l’Occident qui se meurt d’avoir oublié cette évidence :avant d’être un
sourire qui plaise à la presse, un sexe qui flatte une volonté d’égalité
intégrale, un apporteur de voix quand il s’agit de conserver la
cohérence d’une majorité politique, un ministre, un Premier ministre, un chancelier fédéral, un président du Conseil, un président de la République se doit d’être compétent.
Lorsque l’on considère Jean-Marc Ayrault, on se dit légitimement que c’est mal parti.
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