TOUT EST DIT

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jeudi 8 novembre 2012

Le dernier Premier ministre ?

Jean-Marc Ayrault s'est engagé dans une course à l'incompétence, mais l'actuel Premier ministre n'a pas le monopole de l'insuffisance, d'autres avant lui se sont "illustrés".
La course à l’abîme de l’incompétence dans laquelle s'est engagé le Premier ministre a quelque chose de stupéfiant. Qu’on en juge.
Annoncer une décision du Conseil constitutionnel avant qu’elle ait été rendue, au mépris de la séparation des pouvoirs, principe pourtant constitutionnel ? Le matin, envisager l’abolition des funestes 35 heures, pour l’après-midi, aussitôt battre piteusement en retraite, comme un garnement pris les mains dans le pot de confiture de sa propre incompétence ? D’autres péripéties presque aussi graves n’ont pas été dévoilées.

Est-il donc loin le temps où Laurent Fabius lança, bravache, le fameux "vous parlez au Premier ministre de la France" ? Doit-on pardonner cette série de bavures, qui esquinte nos Institutions et qu’on ne pardonnerait pas à un étudiant de première année en sciences politiques ?
Reconnaissons, pour être parfaitement juste, que l’actuel Premier ministre n’a pas le monopole de l’insuffisance. François Fillon, sous lequel Matignon su avec talent se muer en docile caisse enregistreuse des oukazes de l'hyper président Sarkozy, vida de sa substance la nature même de la fonction de Premier ministre : arbitrer, décider, en un mot, gouverner. Le "collaborateur" du président, hormis quelques saillies, ne montra finalement de caractère qu’une fois, pour conserver son précieux maroquin contre la volonté du chef de l'Etat.

Dominique de Villepin, plus occupé à poursuivre à califourchon sur le cheval chimérique de son ambition une candidature à la magistrature suprême, aura passé plus de temps à traiter son turbulent ministre de l’Intérieur et rival qu’à conduire une véritable politique.

Jean-Pierre Raffarin, rebaptisé justement "Jean-Pierre Fera Rien" par un talentueux observateur, et dont la bonhomie – sauf quand il s’agira, par exemple, de s’asseoir sur le Pacte de Stabilité et de Croissance en 2003 – ne nous a pas fait oublier qu’il fut choisi, transposant ainsi le produit générique de la pharmacie à la politique, parce qu’il ne "ferait pas d’ombre à Alain Juppé".

A la vérité, il n’y rien de si nouveau dans tout cela. Pas plus que le sentiment de malaise qui nous étreint quand nous voyons celui qui, à défaut de l’étoffe, a bien le titre de chef du gouvernement de la France. Malaise devant s(c)es ministres qui, toute impudeur bue, rivalisent lors du congrès du PS pour déclarer leur flamme et leur admiration. Malaise devant les gorges-chaudes de la presse, et plus largement de ce qu’un ancien Premier ministre, qui lui ne galvaudait pas sa fonction, appelait le microcosme, et ces paris qui se prennent pour savoir jusqu’à quand il "tiendra"…

Pour nous, au-delà de la tragédie personnelle de Jean-Marc Ayrault, visiblement perdu dans sa fonction, ce sont deux questions de fond qui se posent. La première est celle de la fonction même de Premier ministre, que la pratique des Institutions par les présidents de la République, et par l’Imprésident Hollande, réduit à la triste condition de fusible. C’est une profonde déviance de la Vème République que cette habitude prise par le président de la République de fuir ses responsabilités en s’abritant commodément derrière l’homme-ou la femme- de paille qu’est devenu(e) le Premier ministre.

Pour nous, la solution est claire. Il ne saurait, comme l’a dit le Général de Gaulle, exister une dyarchie au sommet de l’Etat. En conséquence, nos Institutions, qui sur cet aspect nous singularisent en mal par rapport aux grandes démocraties, doivent reconnaître que le président est Chef de l’Etat et Chef de gouvernement, et qu’en tant que tel, il doit répondre, d’une manière ou d’une autre, directement de sa politique.

La seconde est celle du personnel politique. A dire vrai, nous n’espérions pas grand chose d’un Premier ministre qui n’a ni expérience de l’Etat (machine redoutablement complexe), ni expérience du secteur privé (où se produit la richesse), ni expérience européenne ou internationale (où se joue notre destin dans un monde de plus en plus globalisé). Bien sûr, la situation de la France à cet égard n’est pas isolée, et c’est tout l’Occident qui se meurt d’avoir oublié cette évidence :avant d’être un sourire qui plaise à la presse, un sexe qui flatte une volonté d’égalité intégrale, un apporteur de voix quand il s’agit de conserver la cohérence d’une majorité politique, un ministre, un Premier ministre, un chancelier fédéral, un président du Conseil, un président de la République se doit d’être compétent.

Lorsque l’on considère Jean-Marc Ayrault, on se dit légitimement que c’est mal parti.

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