lundi 15 octobre 2012
Absurde repentance
Le président vient de se prononcer à Dakar pour une « réparation » du crime que fut l’esclavage. Ce mea culpa
d’un chef de l’Etat français me paraît discutable dans la mesure où
l’esclavage se confond avec l’histoire de l’humanité et non pas
l’histoire de France, comme le montre un expert de ce sujet:
« L’esclavage est une période de l’histoire universelle qui a
affecté tous les continents, simultanément parfois, ou en succession. Sa
« genèse » est la somme de tout ce qui est advenu pendant un temps
indéterminé dans divers lieux. La traite africaine des esclaves vers le
Maghreb, puis en Europe, qui est à l’origine de l’esclavage en Afrique
noire, n’a fait que prendre la relève des traites qui duraient depuis
des siècles en Asie, sur le continent européen et autour de la
Méditerranée. Les Slaves ont fourni leur contingent de « slaves », les
Esclavons, d’esclaves, nos ancêtres les Gaulois vendaient régulièrement
leurs captifs d’Angleterre aux Romains, les Vikings en capturaient et en
vendaient au long de leurs cabotages. Pirates musulmans et chrétiens se
capturaient mutuellement… L’esclavage était amorcé depuis longtemps et
il faudrait, pour l’expliquer en Afrique, en expliquer l’apparition sur
le continent euro asiatique. Pourtant c’est paradoxalement en Afrique,
le dernier des contingents ayant fourni la traite, que l’on cherche
encore une explication originelle à l’esclavage. » Claude MEILLASSOUX Anthropologie de l’esclavage le ventre de fer et d’argent – PUF 1986.
Ce n’est donc pas la France, par la voix de son président, qui
devrait se repentir, mais l’humanité toute entière. Quand « Matignon »
annonce qu’il étudie les « moyens de réparer l’esclavage », à quoi
pense-t-il? A réparer l’histoire de l’humanité depuis les origines ? Je
doute que le budget de l’Etat, avec son déficit de 5,2% du PIB, y
suffise…Bref, au fond, ne faudrait-il pas tout simplement, dans cette
logique, se repentir d’être des hommes?
Ajoutons que ce repentir français à propos de l’esclavage est
d’autant plus sidérant que la France a été le premier pays de l’histoire
du monde à abolir l’esclavage, par décret de la Convention du 27 avril
1794, montrant ainsi l’exemple, avant même le décret du 4 février 1848
de la Seconde République, rendant cette abolition définitive. Napoléon
Ier, la Restauration puis la monarchie de Juillet et la Seconde
République ont à plusieurs reprises interdit « la traite négrière« .
Un jour, en 2008, en visite au Gabon, j’ai fait la connaissance d’un
haut fonctionnaire d’une soixantaine d’années, grand, mince, petite
moustache. « Les Gabonais ont un regret me dit-il de se voix grave et
douce, celui de s’être séparés de la France en 1960. La France, nous
l’aimons comme notre propre pays en souvenir des navires de guerre
français, qui sillonnaient les côtes africaines, au XIXème siècle, pour
frapper les trafiquants d’esclaves. »
Qu’il y a-t-il derrière l’idéologie de la repentance? La haine de soi
bien sûr, la haine de la nation, la haine de la France. On efface les
victoires, les moments de gloire, de grandeur et de réussite mais on
s’invente, on se fabrique des crimes à soi, des crimes odieux dont on
s’accable avec délectation pour mieux s’auto-détester. Comment ensuite,
accepter d’appartenir à un pays aussi coupable ? Dès lors on encourage
la dissolution, la fragmentation, les particularismes, le repli
identitaire, au détriment de la communauté nationale. La repentance
exacerbée est un moyen détourné, dissimulé, masqué bien entendu, de se
débarrasser de la France en catimini. Elle ouvre la voie à la division
et à la discorde civile, préparant ainsi de futurs malheurs.
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