samedi 18 août 2012
Pussy Riot : "C'est un procès politique, honte à Poutine"
"Ce rassemblement est un appel à la liberté, à la
vérité, à la démocratie, à la liberté d'expression, aux droits de la
femme et au féminisme". Peu après midi vendredi, à Paris, devant
quelques centaines de manifestants et de journalistes, Alexis Prokopiev,
jeune porte-parole de l'association Russie-Liberté, en appelle à la libération des Pussy Riot.
Environ 200 personnes ont répondu à l'appel de diverses associations et
organisations politiques, parmi lesquelles Amnesty International, la
Fédération internationale des ligues des Droits de l'Homme (FIDH), Osez
le Féminisme ou encore les Jeunes socialistes et les Jeunes écologistes,
dont les représentants ont dénoncé "un procès inique et grotesque".
Sous
un soleil de plomb, à deux pas du Centre Pompidou, certaines jeunes
femmes arborent une cagoule colorée, à l'image des Pussy Riot lors de
leur prière anti-Poutine dans la cathédrale de Saint-Sauveur, le 21
février dernier. Julie, 34 ans, l'a cousue dans un vieux-tee shirt, et
la porte pour le symbole. "Ce n'est pas la première fois que je me
mobilise. En avril, j'ai dansé sur la musique des Pussy Riot, rue de
Rivoli. Je milite pour la liberté d'expression, contre l'ingérence de
l'église. Cette histoire m'a émue, et fait partie de mon combat
artistique", explique-t-elle au JDD.fr.
Sur
les pancartes, beaucoup de slogans anti-Poutine. "Libérez les copines,
enfermez Poutine" brandit un quinquagénaire. Un peu plus loin, sur le
carton d'une manifestante elle aussi cagoulée, on peut lire : "Free
Pussy Riot. 3 minutes de chant = 3 ans en camp?" A la tribune, la
Fédération Internationale des droits de l'homme déplore les conditions
de détention des jeunes femmes, en camp depuis plus de six mois. Et
tient à dénoncer l'injustice de ce procès : "c'était une action
anticléricale, mais en aucun cas antireligieuse!". Pour Wandrille
Jumeaux, secrétaire fédéral des Jeunes Ecologistes, la prière
anti-Poutine était un geste politique fort, "très dérangeant pour le
régime autoritaire". "A travers la mobilisation d'EELV, on veut défendre
la liberté d'expression et la démocratie. Il est important que la
France, l'Union européenne soient mobilisées. Avec ces rassemblements,
l'image de la Russie s'écorne."
La présence
d'organisations politiques ne fait cependant pas l'unanimité. La
ministre française des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem a salué
dans la matinée les manifestations en tweetant "Une pensée en ce jour
de mobilisation pour les Pussy Riot. L'impertinence ne devrait jamais
amener en prison". Abdallah, 61 ans, a participé aux précédents
rassemblements, moins importants, et récuse une "récupération
politique". "Les partis politiques n'apparaissent que parce que le sujet
est devenu médiatique. La mobilisation en France est relativement
tardive, ça fait quand même six mois qu'elles sont emprisonnées!". Pour
celui qui se décrit comme un "anarcho-punk", la Russie n'a pas évolué
depuis la chute du mur. "Des anarchistes sont assassinés tous les
jours", regrette-t-il.
Peu avant 13h, alors que le verdict du procès se fait
attendre, la petite foule colorée se masse devant le natif de Russie,
Alexis Prokopiev, qui reprend la parole. Son iPhone en main, connecté à
Twitter, le porte-parole de Russie-Libertés lit et traduit les tweets de
journalistes russes en direct. "Beaucoup de personnes ont été
interpellées aux abords du tribunal" informe-t-il. En attendant la
décision du tribunal, chacun y va de son commentaire : "le problème,
c'est que s'ils virent Poutine, on en aura un nouveau" lance une
retraitée. Teddy, un jeune militant socialiste de 18 ans, est moins
pessimiste, et espère qu'il y aura bientôt "plus de justice en Russie".
La
juge Marina Syrova a tranché: les trois jeunes "punkettes" du groupe
Pussy Riot sont reconnues coupables de "hooliganisme". Le porte-parole
de Russie-Libertés ne cache pas sa déception, le poing levé : "c'est une
honte"! Avant d'inviter les manifestants à crier "svoboda" - liberté,
en russe. La foule reprend des slogans anti-Poutine, atterrée par la
décision de la juge russe qui, par la même occasion, accuse les trois
jeunes femmes de faire "de la propagande homosexuelle". "Ni Dieu, ni
maître, ni morale!", "La Russie sans Poutine!", espèrent certains.
La
peine n'est pas encore prononcée, et le rassemblement touche enfin à sa
fin. Une dernière touche "punk" avec le concert des sœurs jumelles de
23 ans, Orties, qui s'emparent du micro et s'agitent dans tous
les sens. La foule commence à se disperser. Natalia, jeune étudiante
russe qui étudie la langue française à Paris, salue ses amis avant de
quitter la place Igor Stravinski. "Je sais que les Pussy Riot vont être
condamnées à la prison. C'est très triste mais j'ai beaucoup d'espoir
pour le peuple russe. J'espère que la jeunesse va se révolter. Les Pussy
Riot sont devenues des symboles, contre leur volonté, mais elles
représentent la lutte. Je suis contente de voir autant de personnes
mobilisées aujourd'hui."
Le verdict tombe à 16 heures : Nadejda
Tolokonnikova, 22 ans, Ekaterina Samoutsevitch, 30 ans, et Maria
Alekhina, 24 ans, les chanteuses de Pussy Riot, sont condamnées à deux
ans de camp. Alexis Prokopiev est amer : "J'ai honte du pays dans lequel je suis né", avoue-t-il au JDD.fr.
"Pour une chanson de trois minutes, elles vont être éloignées de leur
famille. C'est un procès politique, la répression va continuer, honte à
Vladimir Poutine." A travers son association Russie-Libertés, il va
signer un appel à la Cour Européenne des Droits de l'Homme.
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