TOUT EST DIT

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mercredi 18 avril 2012

Une crise, quelle crise ? François Hollande est-il un bisounours ?

Invité sur RTL ce mardi, François Hollande a déclaré : « La France n'est pas aujourd'hui exposée à la crise de l'euro ». Le candidat socialiste vivrait-il dans un monde enchanté ?
Il faut se pincer pour croire que François Hollande a prononcé les paroles qu’il a pourtant dites sur les ondes de RTL ce mardi : « La France n'est pas aujourd'hui exposée à la crise de l'euro » ! On est en pleine bisounours-économie.
Il est d’abord paradoxal que le candidat socialiste s’émeuve et dénonce les 600 milliards de dette publique supplémentaire du quinquennat Sarkozy, tout en se félicitant que les taux d’intérêt réclamés par les marchés au Trésor français restent raisonnables et en n’anticipant pas qu’ils puissent remonter fortement. "Je ne vais pas chercher à effrayer", dit-il, mais ce déni de réalité est en lui-même préoccupant.
Car non seulement la France demeure exposée aux difficultés de l’euro, mais l’application de la politique « hollandaise » contribuerait au retour à une crise ouverte, de telle manière qu’on ne sait qui, de l’Espagne ou de la France, sera le premier pays à entraîner l’Euroland dans sa chute finale.
Revenons sur la situation espagnole. Ce n’est pas tant le niveau actuel de la dette publique outre-Bidassoa qui est préoccupant que la dynamique de sa croissance. Elle passera de 38,8 % du PIB en 2008 à 80 % à la fin de 2012, si l’économie espagnole continue sur sa piètre lancée. Prévu à 6% du produit intérieur brut en 2011, le déficit public de l’Espagne s’est élevé à 8,51 %. Le chômage atteint des sommets (près de la moitié des jeunes en âge de travailler et désireux de le faire). Les déficits des 17 communautés autonomes ont contraint l’Etat espagnol à débloquer 35 milliards d’euros pour les aider à régler leurs factures impayées. Les indicateurs économiques (ventes au détail, exportations, emplois, contestation sociale…) sont tous au rouge vif et l’Espagne a dû signifier à la commission européenne qu’elle se contenterait d’un objectif de réduction du déficit public à 5,3 % en 2012, au lieu de 4,4% dans l’engagement initial du gouvernement Zapatero.
C’est d’ailleurs la situation en Espagne qui fait pour la première fois sentir les limites de la politique de planche à billet menée par Mario Draghi et la BCE depuis décembre 2011. L’impact des difficultés madrilènes est en effet sans commune mesure avec celui des problèmes rencontrés par la Grèce ou le Portugal, deux économies à la taille relativement modeste.
Car que se passe-t-il, en ce moment même, sur les marchés ? Les banques, que la BCE a accepté de financer à 1 % sur trois ans, et avec elles tous les investisseurs institutionnels, persistent à réclamer des taux très différents selon les pays quand il s’agit de prêter aux Etats. Malgré le refinancement uniforme de la BCE, les établissements financiers pratiquent, eux, des politiques discriminantes. Résultat : les taux sur la dette espagnole sont en hausse sur les trois échéances d’emprunts : 2,89% sur trois ans (contre 2,44% précédemment), 4,31% pour les bons à quatre ans (contre 3,37%) et 5,33% pour les obligations à huit ans (contre 5,16% mi-septembre). Tout cela rend insoluble la réduction du déficit budgétaire espagnol. L’effet boule de neige du service de la dette réapparaît. Par contamination, au vu de l’importance de cette économie - la quatrième de l’Euroland -, il peut porter un coup fatal à l’Euro.
Cela étant, il se pourrait bien que la France, revenue au giron socialiste sous la présidence de François Hollande, brûle la politesse à l’Espagne dans la déroute finale, mettant un terme brutal aux rêves de Bisounours.
Car, contrairement à ce que dit maladroitement le candidat du PS, le feu couve aussi chez nous. Le déficit budgétaire, malgré les efforts gouvernementaux, sera en 2012 du même ordre que celui observé en Espagne. Sa baisse cette année tient à de meilleures rentrées fiscales, dues à une croissance moins faible que prévue. Mais l’atonie générale de l’activité en Europe aura des effets sur le rétablissement de nos comptes publics et il est probable que nous avons mangé notre pain blanc. Dans ce contexte, la simple mise en route du projet de François Hollande fragilisera le financement du Trésor français.
Les dépenses qu’il prévoit ne sont pas anodines, contrairement à ce qui est parfois dit. L’arrêt du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, l’absence de toute discipline imposée aux collectivités locales, le recrutement de fonctionnaires dans l’Education, la police et la Justice sans qu’aucune précision ne soit concomitamment donnée sur les réductions opérées dans d’autres secteurs, les hausses de plusieurs prestations sociales (allocation de rentrée scolaire par exemple), les emplois-jeunes, tout ceci a un prix élevé. Quant aux recettes nouvelles, elles seraient moindres que celles que font miroiter les socialistes. L’augmentation des taux d’imposition de l'impôt sur le revenu aura peu de rendement, tout comme le retour à l’ancien barème de l’ISF ou la suppression de niches fiscales mal identifiées et le plafonnement de leur bénéfice à un niveau assez élevé (10 000 euros par foyer). Tout cela, plus la fuite des capitaux, exercera un effet déséquilibrant sur les finances publiques.
Quand la sanction des marchés viendra-t-elle ? François Hollande, on le comprend, préfèrerait qu’elle soit immédiate pour charger la barque de son prédécesseur. C’est ainsi qu’il faut interpréter le curieux exercice à front renversé auquel il s’est livré en anticipant une dégradation par Moody’s dans la semaine qui suivrait son élection.
Compte-t-il s’appuyer sur les agences de notation pour faire avaler à son électorat la pilule du renoncement immédiat à ses promesses ? Ou tirera-t-il parti d’un audit de commande réalisé par la Cour des comptes présidée par son camarade Migaud ? De manière assez perverse, les marchés pourraient attendre juste le temps qu’il faut pour qu’il ne puisse pointer du doigt la faute des autres. Le prochain refinancement important du Trésor français viendra en effet à échéance en juillet, à hauteur de 36, 2 milliards d’euros. Il est possible que, pour éviter d’être accusée de saboter le nouveau pouvoir socialiste, la BCE, soit encore accommodante jusque dans les semaines qui suivront les élections législatives et qu’elle irrigue le système financier pour éviter toute hausse brutale des taux, par exemple en rachetant directement de la dette souveraine au même moment.
Mais c’est à l’automne que sonnera l’heure de vérité. Entre septembre et octobre, la France va devoir lever 50 milliards d’euros. Cruel hasard du calendrier, l’Espagne devra en trouver 25. Quand on pense que la hausse récente des taux à laquelle les Espagnols ont été confrontés était due à une levée d’à peine plus de 3 milliards, on mesure la difficulté qui attend tout ce petit monde. Et, en octobre, la mémoire de poisson rouge des électeurs aidant, il sera difficile à François Hollande d’éviter que le premier bilan de son action ne soit fait. Les marchés seront, à ce moment, d’autant plus impitoyables que la dégradation des finances publiques commencera à se faire sentir, en raison de l’effet de ciseau fiscal et budgétaire précédemment évoqué. Quant à la BCE, elle aura du mal à faire accepter par sa faction germanique ce que son camp latin voudra lui suggérer.
Bref, la bisounours-économie risque de ne pas passer l’hiver prochain et les paris sont ouverts pour savoir qui, de l’Espagne ou de la France, portera la responsabilité apparente du crash final.


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