mercredi 11 avril 2012
Quel score devrait atteindre Nicolas Sarkozy au premier tour pour espérer être réélu ?
Le président sortant est au coude à
coude avec le candidat socialiste dans les sondages pour le premier
tour. Il est néanmoins largement battu au second tour. Où trouver les
trois ou quatre points qu'il lui manque pour dépasser les 50 % ? La
réponse peut se trouver chez les abstentionnistes ou les électeurs de
Marine Le Pen et François Bayrou.
Guillaume Peltier :
Si un chiffre symbolique suffisait pour gagner l'élection, ça se
saurait. Plus important que le seuil, c'est le total à droite qui va
être important. Le schéma idéal pour le candidat UMP serait
d'obtenir 30% au premier tour et un total le plus important possible à
droite. Avec un François Bayrou à 10% et une Marine Le Pen à 18, la
gauche ne serait alors sans doute qu'à 42-43 points au premier tour.
Mais il y a une telle volatilité dans l'électorat, notamment chez les
challengers Marine Le Pen, François Bayrou et Jean-Luc Mélenchon, qu'il
est très compliqué d'avoir une idée définitive.
Jérôme Fourquet :
L'histoire des élections présidentielles montre que l'issue du second
tour n'est pas forcément dicté par les scores du premier tour. Tout
dépend de la dynamique de l'entre deux tours, mais surtout des réserves
de voix potentielles et du rapport de force gauche/droite qui se dessine
à la fin du premier tour.
En 1981, Valérie
Giscard-d'Estaing est arrivé en tête du premier tour avec 28,3% des
voix, ce qui ne l'a pas empêché d'être battu. A l’inverse, en 1995,
Jacques Chirac arrive en deuxième position avec 20,8% des voix, contre
23% pour Lionel Jospin, mais il est élu, car il a des réserves de voix
du côté d'Edouard Balladur (19%) et Jean-Marie Le Pen (15%). Ce
qui est compliqué pour Nicolas Sarkozy, c'est que même avec un score de
premier tour plutôt bon, de l'ordre de 28%, il lui manque 3-4 points au
deuxième tour pour atteindre la barre des 50%.
Jérôme Fourquet :
45% des électeurs du Front National veulent se reporter sur Nicolas
Sarkozy, 20% sur François Hollande et 35% veulent s'abstenir. On peut
donc dire que deux tiers des électeurs frontistes qui se déplaceront
voteront Sarkozy. Cela fait une marche de progression correcte.
Un
autre paramètre important est l'abstention au premier tour : selon nos
études, 30% des électeurs ne veulent pas aller voter. L'UMP doit donc
rallier les électeurs frontistes ou centristes, mais aussi faire croître
le nombre de votants qui se situent à droite, mais ne veulent pas
aujourd'hui se déplacer. Selon nos dernières enquêtes, 27% des
sympathisants de l'UMP veulent ne pas aller voter au premier tour. C'est
énorme. Mais là encore, difficile de trancher : on peut se dire que
s'ils se déplaçaient, ils voteraient pour Sarkozy, cependant s'ils ne le
font pas, c'est peut-être aussi à cause de lui...
Guillaume Peltier :
Les électeurs de François Bayrou se divisent en trois tiers à peu près
égaux au second tour : vote Hollande, vote Sarkozy ou abstention. Or, on
sait que ce dernier tiers d'abstentionnistes va se réduire lorsqu'il
s'agira de mettre le bulletin dans l'urne. L'enjeu clef pour l'UMP,
c'est qu'une bonne partie de ce dernier tiers finisse par se prononcer
pour Nicolas Sarkozy. Dans nos études qualitatives, ils nous disent :
« nous ne voulons pas nous positionner, mais si nous irions voter, notre
préférence irait à Sarkozy ».
Pour ce qui est du vote Marine
Le Pen, on a 40% d'électeurs qui disent vouloir voter Sarkozy au second
tour, 20 Hollande et 40% d'abstention. Il faudrait que ces
abstentionnistes passent de 40 à 20% et votent pour Nicolas Sarkozy.
Guillaume Peltier :
On estime que 25 à 30% du corps électoral refuse de se prononcer pour
le second tour, soit 8 à 10 millions de Français : c'est une masse
difficile à analyser. Mais si on analyse les votants de premier
tour de François Bayrou ou Marine Le Pen, on en trouve 20% pour chacun
qui ont une sensibilité de droite, mais ne veulent pas voter au second
tour. Au total, cela fait potentiellement 5,5 points en plus pour
Nicolas Sarkozy. Si on les ajoute aux scores qu'il obtient aujourd'hui, c'est largement suffisant pour remporter le second tour.
Jérôme Fourquet :
Le conseiller de Nicolas Sarkozy, Patrick Buisson, propose comme
stratégie de puiser dans l'électorat de Marine le Pen qui veut
s'abstenir au second tour. Ce n'est pas saugrenu. Il entend leur
signifier dire qu'avec Hollande, il y aura des régularisations
massives, le droit de vote des étrangers, et que même s'ils n'aiment pas
Sarkozy, il faut voter pour lui pour préserver leurs valeurs. Ces
35-40 % d'électeurs frontistes qui ne veulent pas voter au second tour
ne le font pas parce qu'ils pensent que Sarkozy et Hollande, c'est blanc
bonnet et bonnet blanc. Toute la stratégie entre les deux tours sera
donc de montrer que ce n'est pas le cas et qu'ils ont beaucoup à perdre
si la gauche gagne. Le but est de diviser par deux ces abstentionnistes
et de les faire voter pour Sarkozy.
Jérôme Fourquet : Si
au lieu d'être à 28-29% au 1er tour, il est à 32 car il a siphonné une
partie de l'électorat de Marine Le Pen, il aura commencé à grignoter ses
réserves de voix, et arrivera donc au même point au second tour.
A moins de jouer sur un effet d'optique : en ayant asséché Marine Le
Pen au premier tour et fait un bon score, il pourrait jouer sur la carte
du rassemblement et appeler à amplifier la dynamique au second tour.
Guillaume Peltier : Il est illusoire de croire qu'il est possible de capter tous ces électeurs au 1er tour. Mais, s'approcher de la barre de 30% peut largement suffire, à condition que les autres indicateurs soient au vert :
un écart fort au premier tour avec Hollande, pour créer une dynamique,
le taux de participation, le report des voix... En 2007, Sarkozy a fait
31,1% au premier tour et a gagné avec 53%. François Bayrou (18%) et
Jean-Marie Le Pen (10%) faisaient 28%. Aujourd'hui, Marine Le Pen est à
16-17% et Bayrou à 10%, l'étiage reste donc sensiblement le même.
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