Selon un sondage CSA publié la semaine
passée, 59% des électeurs du candidat socialiste voteraient pour lui
avant tout parce qu'ils ne souhaitent pas que Nicolas Sarkozy soit
Président de la République. Cette situation, qui rappelle 2002 avec un
Jacques Chirac reconduit "par défaut", lui permettrait-elle de
construire une présidence solide avec à ses côtés un Jean-Luc Mélenchon
paraissant cristalliser l'envie de changement ?
Selon un
sondage CSA publié ce jeudi, l'anti-sarkozysme est le principal ressort
du vote pro-Hollande. 59% des électeurs qui ont l'intention de voter
Hollande le feraient "avant tout" parce qu'ils "ne souhaitent pas que
Nicolas Sarkozy soit président de la République". Peut-on donc parler
d'un vote par défaut pour le candidat socialiste ?
David Valence :
François Hollande n'a pas réussi à susciter d'adhésion à sa personne, à
ce qu'il représente, dans l'électorat de gauche. Bref, son "coefficient
personnel" est très faible, pour parler comme les spécialistes de
communication politique des années 1980. Lors de la primaire, il
ne l'a emporté que pour une raison : les sondages l'avaient sacré
"meilleur candidat pour battre Nicolas Sarkozy", comme Dominique
Strauss-Kahn avant lui. Ceux des électeurs de gauche qui ont préféré
François Hollande ont fait un choix purement stratégique, et non un
choix d'adhésion à la personne de François Hollande ou à ses
propositions.
Depuis son investiture, François Hollande
a fait le pari que les recettes qui lui avaient permis de gagner la
primaire fonctionneraient pour l'élection présidentielle. Il s'est un
peu figé dans une posture de "grand rassembleur" et de "grand
réconciliateur", sans trop se risquer à préciser autour de quelles
valeurs, de quel projet de société il voulait rassembler les Français,
précisément. La seule de ses propositions qui ait été retenue par
l'opinion publique est la taxation des très hauts revenus à hauteur de
75%.
Or, qu'on le veuille ou non, les électeurs attendent autre chose d'une campagne présidentielle. Dans ce cadre, il
ne suffit plus de dire "je suis le changement" comme François Hollande
semble le faire un peu naïvement sur son affiche de campagne, car la
question surgit immédiatement : "quel changement ?".
Je
crois que l'enjeu de cette présidentielle se situe précisément sur ce
terrain : quel sera le candidat qui redonnera des marges de manoeuvre
aux processus démocratiques face aux marchés et à la contrainte
budgétaire, sans pour autant engager la France dans l'aventure ? Nicolas
Sarkozy l'a bien compris, il prend beaucoup de risques en plaidant en
faveur d'une forme de protectionnisme européen. François
Hollande, lui, semble en être paradoxalement resté à un "moment" où
l'antisarkozysme nourrissait de bons sondages pour lui. C'est un peu court aux yeux de beaucoup d'électeurs de gauche, d'où la progression de Jean-Luc Mélenchon.
Est-ce la première fois qu'un homme est en mesure d'être élu sans susciter l'enthousiasme ?
Fançois
Hollande a fait le pari que cette élection ne serait pas comme les
autres. En annonçant qu'il voulait être "un président normal", il a cru
que les Français, après Nicolas Sarkozy, seraient sevrés d'exceptionnel
et n'attendraient plus d'un président qu'il soit "jeté hors de toutes
les séries".
Or, depuis le général de
Gaulle, tous les présidents de la République successifs ont balancé
entre la "proximité" avec les Français et ce petit quelque chose qui
fait qu'ils sont devenus président de la République. Ils souhaitaient à
la fois être identiques et différents d'un "homme normal".
Georges Pompidou se voulait exceptionnel par sa culture, Valérie
Giscard-d'Estaing par sa précocité et son intelligence, François
Mitterrand par son habileté et son mystère, Jacques Chirac par sa
ténacité ou Nicolas Sarkozy par son volontarisme. François Hollande
estime que la fonction présidentielle peut ne plus être habitée par
l'exceptionnel aujourd'hui, et qu'une complète simplicité est attendue
des Français, après le tourbillon Nicolas Sarkozy.
J'observe tout de même qu'à au moins deux
reprises, un Président a été réélu par défaut, ou presque : en 1988,
François Mitterrand l'a emporté grâce au rejet de Jacques Chirac,
alors que son projet était d'une absolue indigence, que la formule du
"ni, ni" (ni privatisations, ni nationalisations) résume à merveille sur
le terrain économique. La victoire de Jacques Chirac en 2002 n'était pas non plus le résultat d'un vrai vote d'adhésion.
Quelles conséquences une telle victoire peut-elle avoir sur le quinquennat de François Hollande, s'il est élu ?
Le
résultat d'un vote par défaut est que son bénéficiaire est fragile
politiquement. Les électeurs se détourneront d'autant plus aisément d'un
François Hollande président que beaucoup ne l'auront pas vraiment
"voulu". Le risque serait grand alors de voir un PS "rongé" sur
sa gauche, pendant le quinquennat, par Jean-Luc Mélenchon et ses
alliés, et sur sa droite, par l'UMP ou les formations politiques qui lui
succéderont.
A plus court terme, si François
Hollande est élu, il sera sans doute obligé, en particulier si Jean-Luc
Mélenchon fait un bon score, de prendre un Premier ministre plus à
gauche que lui. Plus Mélenchon monte dans les sondages, plus les chances de Martine Aubry d'être Premier ministre augmentent.
Y aurait-il également des conséquences sur les élections législatives de juin ?
Un
bon résultat à la présidentielle ne se confirme par nécessairement aux
législatives. En 2007, François Bayrou avait fait 18,5% à la
présidentielle et n'a fait élire que 3 ou 4 députés. En 1988, la large
victoire de François Mitterrand à la présidentielle n'a accouché que
d'une majorité étriquée aux élections législatives.
Cela
dit, la gauche a mathématiquement de bonnes chance de remporter les
législatives : elle a beaucoup d'élus locaux, qui font autant de bons
candidats pour les législatives. Mais sa victoire serait un paradoxe, car le leadership intellectuel est toujours détenu par la droite aujourd'hui.
Rien ne le montre mieux que les sondages sur les propositions de
Nicolas Sarkozy : beaucoup recueillent des soutiens très larges, bien
au-delà des résultats annoncés pour le président sortant au 1er tour.
Si
les sondages ne se trompent pas et si la gauche l'emporte à la
présidentielle et aux législatives, alors nous aurons une France de
droite qui vote à gauche. Les socialistes et leurs alliés se
trouveraient dans la même situation que la droite entre 1993 et 1997 par
exemple, quand la gauche dominait encore intellectuellement : mal à
l'aise, obligés de faire une politique qu'ils désapprouvent et empêchés
de pratiquer la politique qu'ils souhaitent.
COMME QUOI, UN NUL PEUT ÊTRE ÉLU PAR UN PEUPLE STUPIDE.
ET CE, EN DÉPIT DE SON PROPRE INTÉRÊT
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire