TOUT EST DIT

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vendredi 16 mars 2012

Pierre Schoendoerffer : un homme d’honneur 

 C’est une page de la mémoire nationale française qui se tourne avec la disparition de Pierre Schoendoerffer. Témoin et acteur de ces guerres oubliées depuis la chute du communisme, sur lesquelles on entend dire aujourd’hui absolument n’importe quoi, il laisse une œuvre. Dense et remarquable. Il est le seul cinéaste français à avoir fait du film de guerre un genre à part entière. Et précision notable, pas pour cracher sur l’armée française. Pour en exalter le patriotisme et l’héroïsme sans en celer les traumatismes. Pour ma génération et la précédente, il est l’auteur inoubliable de La 317e Section et du Crabe-Tambour. Sur cette période-là, on n’a jamais fait mieux. Ces films sont à son image, celle d’un homme d’honneur.
« Pierre Schoendoerffer a accompagné les soldats des causes perdues », a déclaré le ministre de la Défense Gérard Longuet qui connaît mieux qu’un autre l’œuvre du cinéaste et de l’écrivain. « Il sut dépeindre avec justesse et émotion la grandeur et les servitudes de notre engagement dans des conflits lointains. A une époque où il était de bon ton d’accuser nos troupes en versant dans les clichés insultants et réducteurs, Pierre Schoendoerffer prit le parti d’accompagner ces soldats des causes perdues, d’en dépeindre les misères, d’en sonder les amertumes et d’en exalter les héroïsmes. »
Agé de 83 ans, Pierre Schoendoerffer est mort à l’hôpital militaire Percy de Clamart. Ecrivain, cinéaste, académicien et soldat, marin, parachutiste, reporter de guerre et prisonnier, le jeune « Schoen » avait été engagé à l’âge de 19 ans comme caporal-chef caméraman des armées en Indochine. De cette guerre où il se porta volontaire pour sauter sur Dien Bien Phu, il rapporta les souvenirs et les impressions (ses bobines, elles, avaient été confisquées par le Viêt-Minh) qui hanteront sa 317e Section, son premier grand succès au cinéma, tourné au Cambodge. Schoendoerffer a bien compris l’homme et la guerre, jusqu’au fond de ses tripes. Pendant quatre mois, il est prisonnier dans un camp derrière le rideau de bambou, dans des conditions épouvantables dont ils ne seront qu’une poignée à réchapper (parmi eux le général Bigeard).
Son grand documentaire caméra à l’épaule, La Section Anderson, lui vaudra d’être distingué par un Oscar. Devenu journaliste, désormais il veut témoigner. Du Viet-Nam à l’Algérie, il est grand reporter pour Life et Paris-Match.
Avec La 317e Section, débute une équipée durable avec son acteur fétiche, son presque double, Jacques Perrin. Ensemble ils reviendront plusieurs fois au combat, pour L’honneur d’un capitaine et Là-Haut, dernier film du réalisateur une nouvelle fois adapté de l’un de ses romans. Schoendoerffer aimait tourner avec les mêmes acteurs. A plusieurs d’entre eux il a offert les rôles de leur vie : Bruno Cremer, Claude Rich, Jacques Dufilho et Jean Rochefort.
Le lieutenant Torrens meurt à la fin de la 317e Section mais continue de vivre dans toute l’œuvre de Pierre Schoendoerffer, perpétuant le destin du réalisateur et celui des jeunes officiers de ces « guerres maudites », l’Indochine et l’Algérie avec un ultime retour à Dien Bien Phu en 1992.
Le parcours artistique de Schoendoerffer a sublimé son expérience et lui a permis de ne pas se sentir seulement un ancien combattant. Catalogué « facho » par nos bonnes consciences de gauche, son œuvre touche à l’universel dans la manière dont il montre l’héroïsme guerrier et la tragédie de la guerre. Il a contribué à l’édification d’un récit national dans le meilleur sens, en redonnant un sens à des mots oubliés : courage, patriotisme, honneur, esprit de sacrifice.

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