TOUT EST DIT

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mercredi 14 décembre 2011

Tête de gondole

C’est triste une friche industrielle. Mélancolique, comme un paysage silencieux et vide d’où la vie s’est enfuie. On y cherche désespérément les vibrations évanouies d’une activité qui a déserté les lieux, et on n’y trouve que l’absence. Le mot fin qui rôde dans les vestiges de ce qui fut un projet. L’échec d’une entreprise humaine. Il faut avoir vécu les derniers moments d’une usine avant sa fermeture, en Alsace, dans les Ardennes, en Lorraine ou ailleurs pour comprendre tout ce que représente l’arrêt d’un site de production, bien au-delà d’une simple décision économique dictée par la rentabilité. La disparition d’un savoir-faire, l’éparpillement d’une communauté de travailleurs, l’extinction d’un quotidien. Et ce sentiment de manque après une perte qu’on sait irréparable...

Pendant trente ans la France a pensé qu’elle pourrait compenser toutes ces soustractions et son cortège de nostalgies par le développement, et l’excellence, de son secteur tertiaire. Elle s’est même enivrée de cette certitude avant de se dégriser : la division planétaire du travail n’a pas ouvert les horizons d’un avenir radieux pour les nations les plus développées, et la désindustrialisation accélérée est devenue un handicap national !

C’est très naturellement que la relance de la production nationale s’est invitée sur l’estrade de la présidentielle. Un thème noble qui prend un pays aux tripes parce qu’il touche doublement à son identité. Parce qu’il est charnel. Visuel. Physique. Parce que l’énergie d’une nation ne peut être seulement immatérielle.

Le défi c’est de rendre compatible cet élan politique instinctif avec la réalité implacable d’un monde ouvert. « Made in France », c’est une belle ambition, un objet de fierté que toutes les forces électorales peuvent légitimement revendiquer, mais à condition de ne pas en faire un slogan incantatoire, le moteur d’une « préférence nationale » dont l’efficacité se limiterait à un protectionnisme frileux qui n’offrirait que l’apparence d’une sécurité trompeuse.

Le « Achetez français » ne peut être une idéologie de crise. Il aura la valeur d’un choix seulement si on l’inscrit dans la compétition internationale. Si les Français, qui seraient prêts à payer 15 à 20% de plus pour un produit fabriqué sur leur territoire, en font un paramètre dans leurs habitudes de consommation.

Les politiques, eux, en ont déjà fait un réflexe. François Bayrou a été le premier à le mettre en tête de gondole de façon séduisante. Et pour une fois, le président-roi du marketing, Nicolas Sarkozy, a été pris de vitesse...

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