L'Allemand Horst Reichenbach est à la tête de la Task Force. Une unité forte de 45 personnes dont 15 à demeure à Athènes, spécialement créée pour aider la Grèce. Ses principales fonctions sont d'une part d’assister les autorités grecques dans leurs efforts pour débloquer des fonds de l’Union européenne dans le cadre de la politique de cohésion et d'autre part de fournir aux autorités grecques l’aide technique nécessaire pour répondre positivement aux exigences et conditions de la Troïka. Entretien avec econostrum.info alors qu'il effectue sa deuxième mission dans le pays.
Horst Reichenbach : Les mesures d’austérité ont eu un impact très fort sur les revenus et le pouvoir d'achat de la population, aussi retrouver la voie de la croissance et de la création d’emplois est capital.
Pourtant, selon les pronostics de la Commission et d’autres intervenants, l’année qui vient ne sera toujours pas une année de croissance et de baisse du chômage, mais une année qui posera les fondements d'une reprise économique.
Les éléments essentiels qui permettront d’atteindre cet objectif sont que la vraie économie, c'est-à-dire le secteur privé, ait accès aux financements, que l’environnement des entreprises soit amélioré notamment par une simplification de la bureaucratie et une administration publique plus efficace.
Econostrum.info : Si je vous comprends bien un des problèmes majeurs, c’est la façon dont fonctionne l’administration grecque ?
HR : Vous avez bien vu la récente publication du rapport de l’OCDE sur l’administration publique. Ce rapport est très clair et explicite sur quelques problèmes qui doivent être résolus.
Econostrum.info : Êtes-vous d’accord avec ce rapport ?
HR : Nous connaissons les conclusions de ce rapport depuis un moment et nous avons pris ce rapport comme point de départ afin d’entamer une coopération très étroite avec le ministère des reformes administratives et les autorités françaises dès qu’une première identification des points à améliorer a été faite.
Bien travailler ensemble
HR : Je m’attends à ce que l’année 2012 soit une année ou les questions posées auront leurs réponses avec beaucoup d’ouvertures.
En 2011, nous avons dû surmonter un nombre de grands problèmes. Je pense que les fondements sont posés à présent pour bien travailler ensemble et réaliser des choses importantes dans les mois à venir et toute l’année 2012
Econostrum.info : Vous dites un nombre de grands problèmes a du être surmonté, pouvez-vous les nommer ?
HR : Vous avez pu voir durant toute l'année écoulée que la question budgétaire a été très compliquée. La discussion sur l'octroi des tranches successives des prêts accordés au pays a été difficile. J’espère que l’année prochaine les autorités grecques fourniront en temps et en heure ce qui est nécessaire afin de surmonter ces problèmes.
Econostrum.info : Vous travaillez dur pour trouver des solutions pour les problèmes grecs, mais nous avons l’impression que les agences de notation rendent caducs vos efforts, que dites-vous sur ce sujet ?
HR : La situation des finances est un sujet majeur. Le gouvernement a devant lui cette tâche importante de négocier la participation du secteur privé dans les semaines à venir. Il nous faudra attendre les résultats de toute cette négociation pour avoir une bonne connaissance de la situation concernant le financement de l’économie réelle.
Econostrum.info : Ma question était votre position, sur l’impression laissée que quels que soient les efforts du gouvernement grec ou de personnes essayant de travailler pour améliorer la situation en Grèce, ces efforts semblent minés par les agences de notation. Partagez-vous cette impression ?
HR : je n’ai aucun commentaire sur les agences de notation.
Econostrum.info : Est-ce que les élections anticipées présentent un obstacle supplémentaire pour le pays dans son effort pour sortir de la crise économique ?
HR : Le fait que le gouvernement actuel a un large support dans le parlement est un point positif. Il nous faudra attendre les résultats des futures élections pour pouvoir nous prononcer, mais je pense que le gouvernement fera tout son possible pour stabiliser la Grèce après la tenue de ces élections.
Un manque de capacité
HR : Oui, la collecte des impôts est une des grandes priorités dans la coopération des autorités grecques avec la Task Force.
Nous avons identifié quatre priorités majeures.
La première est avant tout l’encadrement de la collecte des impôts et sa gestion. La seconde est le renforcement du système de résolution d'un point de vue juridique, c'est-à-dire accélérer le règlement des différents sur l’imposition qui traine devant les tribunaux, la troisième est un renforcement des audits des contribuables d'un point de vu informatique et quatrièmement un contrôle accru des contribuables les plus fortunés.
Econostrum.info : Vous avez identifié les problèmes. Ensuite que se passe-t-il ? Comment parvenir à une solution ?
HR : Je crois, et l’OCDE confirme cela que la coopération entre le niveau politique et administratif grec peut être améliorée.
Mais en ce qui concerne votre question sur l’application des reformes, l’idée est que l’assistance technique qui est fournie par le FMI, les autorités françaises et la Task Force, aidera spécifiquement à la mise en pratique des recommandations qui ont été exprimées afin d’avoir des résultats concrets et pas uniquement des écrits sur des circulaires.
Plus généralement je dirais que pour la Grèce nous n’avons pas un manque d’analyse des choses à changer ou de recommandations à faire. Ce qui manque, c'est le passage à l'acte .
Econostrum.info : Si ce n’est pas un manque d’analyse, est-ce un manque de volonté ?
HR : Je ne pense pas qu’il y ait au niveau politique un manque de volonté, mais de capacité. Et c’est là une des raisons pour laquelle la Task Force a été créée.
Les autorités grecques ont reconnu et accepté qu'il existe un manque de savoir-faire. Les lacunes se situent là.
Mais si vous visualisez l’ampleur de la tâche qui nous attend, ce n’est pas surprenant.
Les Grecs ont réalisé et accepté qu’ils ont besoin de supports européens, des états membres, du FMI et de l'OCDE. C’est très positif.
Nous sommes là avec la Banque centrale européenne pour organiser ce support.
HR : Mon avis est qu'il est important d’avoir une forte participation grecque. Or, nous ne pouvons avoir un effort et une participation grecque si ce sont les étrangers qui font le travail. C’est pourquoi je pense qu’il vaut mieux assister les autorités et le gouvernement grecs dans ce qu’ils veulent atteindre, plutôt que déléguer à des étrangers qui leur diront simplement ce qu’il faut faire.
Econostrum.info : Mais s’ils ne savent pas faire ? Il faut bien apprendre à faire un travail ?
HR : C’est pourquoi je suis ravi que l’administration française soit réellement prête à assister l’administration grecque. Un nombre de missions avec des fonctionnaires français hautement qualifiés a déjà eu lieu en Grèce afin de former leurs collègues grecs sur comment bien organiser une administration.
Econostrum.info : L'application du mémorandum donne aux Grecs un espoir de pouvoir rester dans la zone euro, en même temps il creuse la récession qui entre maintenant dans sa cinquième année. Est-ce vraiment la seule option ?
HR : Oui il n’y a pas d’autre solution parce que la Grèce a besoin du financement par les créanciers européens et du FMI et ce financement va avec des exigences de reformes avec des conditions qui doivent être remplies. Je ne pense pas qu’il existe une alternative à cette voie là.
Econostrum.info : D’où puisez-vous votre optimisme que la Grèce pourra rester dans la zone euro, on parle de plus en plus de sa sortie de la zone euro ?
HR : Avant tout je suis optimiste, car la grande majorité des Grecs veut rester dans la zone euro, et ça, c’est un signal très clair envers le gouvernement. Il doit faire tout son possible pour rester sur cette voie. Je suis persuadé qu'il fera le nécessaire. Il l’a prouvé cette année.
Mon optimisme vient aussi du fait que nous avons maintenant mis le doigt sur les points faibles et qu’ensemble avec le gouvernement et l’administration grecque nous pouvons coopérer.
Nous pouvons faire de l’année 2012 une année de réussite et non de problèmes.
Econostrum.info : Peu importe le coût social ?
HR : je pense que la question ne se pose pas en termes de coût social, mais en terme de voie ouverte par le Conseil de l’Europe en octobre.
Une voie qui permettra à la Grèce de revenir à la croissance et la création d’emplois si, et uniquement si, les réformes structurelles nécessaires sont réellement mises en application aussi rapidement que possible.
Econostrum.info : Il y a un an presque jour pour jour M Georgakopoulos en charge à l’époque de la collecte des impôts m’avait déclaré que l’État désormais se donnait les moyens de collecter ses impôts d’une manière plus juste, même auprès de ces citoyens plus fortunés, mais il semblerait que des promesses de faire rentrer des douzaines de millions d’euros dans les caisses de l’État n’aient pas été réalisées. Vous avez un commentaire ?
HR : Effectivement, la collecte des impôts est un des problèmes majeurs en Grèce.
C’était en quelque sorte un test pour voir si le gouvernement et l’administration étaient sérieux ou pas, décidés à réussir ou pas. Beaucoup de choses ont déjà été faites, mais le pas décisif ne s’est pas encore produit.
Il faudra dans les mois à venir mettre toutes ses forces pour obtenir des résultats.
Econostrum.info : Il y a déjà eu il y a plus de dix ans de ça une tentative d’informatiser le fisc grec sans succès. On avait fait venir des experts américains qu’on a renvoyés par la suite. Des employés du ministère des Finances nous ont à plusieurs reprises assurés qu'il était tout simplement impossible d’atteindre les objectifs à cause des moyens vétustes, des sous-effectifs dramatiques, et surtout d'une absence de volonté. Quelle est votre opinion là-dessus ?
HR : Plus de transparence et moins de marge d’interprétation dans un cadre fiscal plus simple serait sans nul doute des objectifs souhaitables.
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